Numéro 184 - Décembre 2004
( sommaire
)
Regarder, Écouter, Lire
Livre : Du Roman
Cest indiqué sur
la couverture, juste au-dessus des yeux de la Joconde, Da Vinci Code
est un roman. Cest même un bon roman policier avec nombre
de rebondissements invraisemblables, et juste ce quil faut de
meurtres, dénigmes et de sentiments pour que ce gros
livre se lise dune traite. Cest aussi un roman, évidemment,
dans ce qui sert de matière à lintrigue. Dan Brown
mêle les pseudo-mystères à la mode, ceux des templiers,
du saint Graal, du tarot, des francs-maçons et autres sociétés
secrètes, des manuscrits de la Mer Morte, du Vatican, de la
liaison entre Jésus et Marie-Madeleine,
il ne manque
que les ovnis et la grande pyramide, mais peut-être que Brown
les a gardés pour un prochain succès de librairie.
Le héros
mis en scène dans Da Vinci Code est un érudit mondialement
reconnu, il faudrait être un lecteur bien naïf pour le
confondre avec lauteur du roman. Ce nest pas le cas et
ce livre nest quun roman policier, une fiction. Il ne
faudrait donc pas croire que lon pourrait lire Da Vinci Code
à la fois pour se distraire et pour sinstruire. Contrai-rement
Au nom de la rose, par exemple, il ny a pas là dérudition.
Cela dit, à condition de ne pas se laisser abuser, le lecteur
peut passer un bon moment.
Marc Pernot
Dan Brown, Da Vinci Code, traduit de langlais (États-Unis)
par Daniel Roche, Paris, Lattès, 2004, 574 pages, 22 €
, isbn 2-7096-2493-1.
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Livre : Kafka
Il est des livres intéressants ; dautres sont précieux.
Il en est aussi qui sont, dans certaines circonstances qui durent
et font une époque, indispensables. Le dernier livre de Michael
Lövy est de ces livres, de ceux que lon aimerait acheter
par dizaines pour les offrir à ses amis comme à ses
ennemis.
Les amis de la liberté doivent lire ce livre, rigoureux et
accessible, passionné et serein, lumineux et modeste. Y brûlent
la passion de la liberté et lhorreur lucide devant un
monde faux, où les hommes et les femmes se perdent, jusquau
bout, dans les images, les rumeurs, les on-dit.
Thierry Laus
Michael Lövy, Franz Kafka. Rêveur insoumis, Stock,
2004 (Ces quelques lignes sont extraites dun article paru
dans Le Protestant, 2004/3.)
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Livre : Quest-ce quune religion ?
Après
Jésus et Le Dieu de Jésus-Christ lauteur poursuit
ses investigations religieuses conduites entre une recherche quasi
policière et le questionnement de la foi. Qui est Marie la
mère de Jésus ? Léquivalent dune
grande déesse égale, voire supérieure, au Christ
? Ou bien, est-elle une simple femme, mère dune famille
nombreuse, mère entre autres de Jésus de Nazareth ?
Les protestants suivront lenquête à travers la
Bible, les écrits des Pères de lÉglise
et des théologiens les plus modernes, mais aussi à travers
les textes apocryphes et le questionnement des « hérétiques
». Ils ne seront pas déstabilisés, habitués
quils sont par lapproche historico-critique et le recul
quils ont par rapport à la mariologie. Le monde catholique
y verra beaucoup dinterrogations et peut-être un parfum
de scandale...
Facile à lire, bien documenté, avec des notes abondantes
et riches, le Marie de Jacques Duquesne mérite toute notre
attention.
Vincens Hubac
Jacques Duquesne, Marie, Paris, Plon, 2004,
240 pages, 18,50 €, isbn 2-259-19793-0.
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Livre : Marie de Magdala
Voilà un livre qui ouvre
bien des perspectives sur le christianisme primitif, en particulier
sur les courants de la gnose chrétienne. La figure de Marie
de Magdala y a été reconnue comme celle dun apôtre
de premier rang alors que le christianisme classique semble mettre
Marie de Magdala un peu de côté. Pierre-Jean Ruff tente
danalyser cet état de fait. Le livre nous permet de (re)découvrir
Marie de Magdala compagne de Jésus, témoin de la Résurrection
et, selon la tradition, arrivée en Provence aux Saintes-Marie.
Dans ce parcours qui a lavantage de remettre en mémoire
les relations entre la gnose et le christianisme, on aurait aimé
cependant que lauteur affine davantage ses analyses. Peut-être
ira-t-il plus loin sil sattache à Marie de Béthanie.
Vincens Hubac
Pierre-Jean Ruff, Marie de Magdala, figure de proue du christianisme
de sensibilité gnostique, Nîmes, Éd. Lacour, 2004,
168 pages, 18 €, isbn 2-7504-0383-9
site web : www.editions-lacour.com
On regrettera le peu de soin apporté à lédition
et à la présentation typographique de ce texte.
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Cinéma : « Du fond de labîme
»
Lorsque
tout sécroule, lorsque plus rien ne raccroche au désir
de vivre, lorsque les liens les plus vitaux ne remplissent plus leur
rôle de « rassurement », tout bascule et sagite.
Et cest bien limpression que nous donne la caméra
de François Dupeyron lorsquelle suit Geneviève
dans son errance désordonnée pour essayer déchapper
à sa douleur, douleur sur la cause de laquelle on ne nous dit
rien. Seules parlent les images : des voitures qui se suivent sur
une route de campagne, des gens qui attendent sur le seuil dun
cimetière, une femme qui tente en vain de raisonner Geneviève,
de la faire revenir sur son désir de fuite ; puis sa fuite,
sa course éperdue dans une nature qui parait déjà
hivernale, du vent, du brouillard. Et tout cela : chaotique, chaviré,
bousculé, presque disloqué
Et, pour cette femme hébétée de douleur, que
peut un clandestin tout entier tendu vers son désir datteindre
lAngleterre ? Il peut justement laider à détourner
peu à peu son regard jusque là tout entier plongé
dans labîme et le faire, bon gré mal gré,
se tourner vers lhumain. Cet humain quelle se refuse dabord
à voir et à prendre en charge, révoltée
de son intrusion dans son univers en deuil. Comme si cet abîme
dans lequel elle se débat, ne pouvait pas, ne devait pas disparaître,
comme sil était sa seule raison de vivre ou de survivre,
comme sil était devenu elle-même. Il faudra du
temps pour que la caméra sapaise, que cette agitation
désordonnée se calme ; du temps pour que la nuit et
lobscurité, au terme dun long voyage, laissent
peu à peu place à la lumière du jour. Mais une
lumière leurre car elle sachève sur « voie
sans issue ».
Les mouvements désordonnés de la caméra ne
semblent enfin définitivement calmés que lorsque le
petit enfant, promesse de réconciliation avec la vie, savance
maladroitement vers elle. Lenfant titube encore un peu, sa démarche
nest pas très assurée, mais ce déséquilibre
nest pas celui de lunivers tout entier. Il est promesse
de lavènement dune marche plus assurée,
métaphore de la marche progressive de Geneviève sortant
de labîme.
Maguy Chaillet
François Dupeyron, Inguélézi. Ce film sort
en DVD
France Télévision Editions, le 8 déc. 2004.
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Écouter : Motets de Noël
Pour
cette fin dannée, Konrad Junghänel nous a concocté
une Histoire de Noël regroupant des uvres du compositeur
allemand Johann Rosenmüller (c. 1619-1684), dont certaines dormaient
encore dans les archives musicales de la Sing-Akademie de Berlin.
Il nous permet de mieux connaître un compositeur, sorte de trait
dunion entre la génération des Schütz, Schein
ou Scheidt et J.-S. Bach, et dont le talent fut rapidement reconnu
et admiré à Leipzig, ville quil dut fuir par la
suite, allant se réfugier à Venise.
Les différents motets réunis ici nous
font appréhender une musique qui réalise une synthèse
entre la gravité du style allemand et les innovations de la
musique italienne, jusque là peu connues de Leipzig, qui sortait
à peine de la terrible guerre de Trente Ans. La compréhension
du texte par tous apparaît comme un des soucis du compositeur,
mais cela ne lempêche pas dutiliser des moyens expressifs
basés sur lemploi du chromatisme (pour la mort) ou dune
basse obstinée (pour le repos éternel) comme dans le
« Christus ist mein Leben ». Ainsi, ces pièces,
dont certaines peuvent présenter un premier abord sévère,
sont toutes marquées par une joie, une simplicité et
une certaine solennité, caractéristiques de ce temps
de la liturgie. Retenons la virtuosité du Concerto Palatino
qui nous permet dentendre un superbe ensemble de cornets et
de trombones.
Matthieu Baboulène-Fossey
J. Rosenmüller : Weihnachtshistorie par le Cantus
Cölln, le Concerto Palatino, dir. K. Junghänel, 1 CD Harmonia
Mundi HMC 901861.
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