logo d'Évangile et Liberté

Numéro 183 - Novembre 2004
( sommaire )

Débattre

La pureté et l’impureté jouent un grand rôle dans la Bible. Vincens Hubac nous raconte ici l’histoire de la pureté, et nous met en garde contre une recherche excessive de pureté dans notre « société spectacle ».

« Entre le pur et l’impur »

La Genèse nous apprend que l’acte créateur de Dieu est une séparation d’éléments sortis du chaos, du non-sens, par la force de la Parole. La Bible s’inscrit ici contre le fusionnel, l’indistinct. Elle cherche à définir, à éclairer. Dès lors, est souvent vu comme impur ce qui est mal défini. La pureté biblique qui se précise dans la loi mosaïque, est là pour préserver le peuple juif et pour le maintenir dans une pureté rituelle qui permet la transmission de la Promesse faite à Abraham, et le maintien de l’Alli-ance entre Dieu et son peuple. Elle a permis au peuple juif de se définir et de traverser la tourmente de l’histoire.

Si de tels rituels de pureté ont eu, et ont encore, leur utilité, ils peuvent enfermer dans un carcan, dans la peur de l’autre et du monde, accélérant ainsi le processus de préservation d’une pureté vue comme une perfection.

Individuelle ou collective, la pureté a toujours été plus ou moins recherchée. L’impureté est vue comme un élément étranger qui perturbe, nuit, détruit… De la saleté visible au microbe invisible, en passant par l’étranger, l’animal, les idées politiques ou religieuses… l’impureté peut être trouvée partout.

3 religieuses regardent un tableau avec 3 femmes nuesVenue du fond des âges, la crainte de l’impureté s’exprime encore dans la modernité. La troisième république, le christianisme social, le paternalisme ont fait avancer les choses en matière d’hygiène : la fin du XIXe siècle vit s’engager la lutte contre les grands fléaux sociaux de l’époque. L’hygiène physique se développe avec une amélioration de la nourriture, le recul des épidémies, et le développement des acti-vités physi-ques. Apparaît alors peu à peu l’idée que la nature, elle aussi, doit être l’objet d’attentions particulières. Se développe ainsi, dans un déviationnisme plus que suspect, une idée de la pureté qui sera portée à son paroxysme dans l’exagération monstrueuse qu’est -l’idéologie nazie. Tout ce qui est ici considéré comme menaçant la pureté doit être écarté ou éliminé. On connaît la suite… Tous les grands totalitarismes du XXe siècle ont peu ou prou fonctionné de cette manière.

Si l’on observe un recul de ces idéologies de la pureté, cette obsession réapparaît à travers deux phénomènes : les intégrismes religieux et le culte du corps.

Les intégrismes procèdent de notre problématique : dans un monde jugé impur, il faut retrou-ver la pureté de la religion qui mène au Salut. L’enjeu est donc de taille ! Précisément, c’est cette importance qui génère la peur et déclenche des mécanismes de bouclage. La fermeture au monde ferme l’horizon et enferme les consciences. L’excès de pureté conduit à des créations monstrueuses et parfois violentes comme dans certaines sectes ou dans les dérives intégristes des grandes religions du monde.

La société spectacle qui est la nôtre, nous envoie bien des messages, notamment celui d’une humanité parfaite ; publicités, journaux, films nous renvoient des images d’êtres humains qui semblent venus d’ailleurs. Ces images nous disent que rien ne doit venir altérer notre esthétique corporelle et notre santé. Nous devons être purs de toute tache, de tout poil superflu, de toute ride (ah, les rides, quel combat !)… Pas un gramme en trop si l’on ne veut pas être montré du doigt. Ainsi s’établit une véritable obsession de la pureté, du bien-être, de l’harmonie. Une obsession qui conduit au rêve plus qu’à la réalité.

Dans notre monde pollué, avec la nécessité écologique et le retour de l’idéologie de la pureté se profile à nouveau la menace des excès. Rechercher des formes de pureté peut être utile si cela est mis au service de la vie et libère individus et sociétés de fléaux ancestraux. Mais la recherche de la pureté peut constituer une forme terrible d’idolâtrie comme nous l’avons vu à propos des totalitarismes, des intégrismes ou de l’obsession de l’image du corps qui cache un gonflement de l’ego provenant lui-même d’un grave déficit de l’image de soi, de la peur d’être soi.

Il importe donc d’être vigilant et de dénoncer les idolâtries qui nous menacent, formes modernes de totalitarismes anciens, pour ne garder que ce qui peut être utile à la vie. feuille

Vincens Hubac

haut

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)

 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°


Vous pouvez nous écrire vos remarques, vos encouragements, vos questions