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Numéro 175 - mars 2004
( sommaire )

Billet

La théologie entre poème et raison

La plupart des textes bibliques sont des poèmes ; la plupart des textes des grands théologiens ne sont pas des poèmes. A la puissance d’évocation des poèmes bibliques, les théologies chrétiennes ont souvent préféré l’usage de la raison, souvent issue de la philosophie. Aristote et Platon sont parfois plus utiles que la variété biblique pour comprendre l’histoire des dogmes. Et cela même chez les protestants qui invoquent le principe refondateur de « l’Écriture seule » ! Faut-il s’en plaindre ? Oui et non. La théologie se distingue du texte biblique en ceci qu’elle propose des interprétations de Dieu, du Christ, de la foi. Le texte biblique est sans doute plus proche de l’expérience que de l’abstraction, même si chacun des livres de cette vaste bibliothèque contient sa propre cohérence théologique. Est-ce alors le passage d’une culture hébraïque à une culture gréco-romaine qui a modifié nos expressions de foi ? Sans doute, c’est là l’une des clefs historiques. La culture hébraïque procède par évocations et par symboles, la philosophie grecque par usage de la raison et par la compréhension d’un univers « organisé ». Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place… Mais alors, en épousant le langage des philosophes, le christianisme a-t-il perdu une partie de sa remise en cause des ordres établis ?

On peut décrire de manière philosophique, psychologique, et même biologique, les mécanismes de l’amour. Mais rien ne remplacera les millions de vers sortis de l’imagination des poètes. Faut-il pour autant renoncer à l’exercice de notre raison lorsque l’on aborde la question théologique ? Il me semble qu’il existe une voie de réconciliation de la raison et de la poésie, du discours et de l’expérience. Chaque sujet génère ses propres langages. Parler du monde et de l’homme nécessite l’usage de la raison et de l’observation. Parler de Dieu nécessite l’usage du symbole et de la contemplation. Comprendre le monde est une recherche personnelle toujours inachevée, et pourtant fondamentale : que serait notre société si elle était composée de perroquets imbéciles répétant les dogmes prétendument éternels ? Mais lorsqu’on approche de la question du fondement de toute chose, de la question de la transcendance, le langage se fait humble. L’être humain entre alors dans un défi étrange : traduire avec des mots intelligibles ce qui le dépasse. Son langage s’approche alors de celui des poètes, cherchant et tâtonnant au milieu des mots, sans que ceux-ci ne prétendent enfermer Dieu. On ne décrit pas Dieu, on l’évoque.

Lorsque je dis « Jésus est le fils de Dieu », est-ce « raisonnable » ou « poétique » ? Cela est raisonnable dans la mesure où cela me dit quelque chose de la compréhension anthropologique. En même temps, cela est un poème qui ouvre le champ des interprétations sur Dieu et le Christ, qui contient une puissance d’évocation qui renvoie à chacune de nos expériences de foi et de nos recherches de sens. Nous pouvons alors entrer dans un dialogue, dans un « conflit des interprétations ». La théologie devient alors ouverture, occasion de débats et de rencontres.

L’un des défis théologiques de notre temps est sans doute de retrouver cette puissance poétique, celle qui invite, qui cherche et qui évoque. Le temps des vérités assénées est révolu. « Dessine-moi un mouton… » feuille

Jean-Marie de Bourqueney

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