Je naime pas les
dogmes ; ou plutôt je naime pas les dogmatiques fermées
qui donnent lillusion de répondre aux grandes questions
de lexistence, celle des hommes et celle de Dieu. Je naime
ni ceux qui veulent assujettir les femmes au nom dune prétendue
définition du dogme musulman, ni ceux qui veulent assujettir
le monde au nom dun prétendu messianisme aux couleurs chrétiennes.
La grandeur et la faiblesse des religions tiennent dans leur puissance
dinterprétation. Je naime pas non plus ceux qui prononcent
les mots « laïcité » et « citoyenneté
» comme des mots magiques, des invocations censées régler
tous les problèmes. Je crois certes à la force des mots,
sauf quand ils sont creux. Récemment, jentendais lun
de mes interlocuteurs déclarer : « La laïcité
et la citoyenneté sont consubstantielles à
la République. » Encore de la dogmatique ! Nous étions
en plein Nicée de la laïcité
Et pourtant le protestantisme, libéral de surcroît,
a une voix à faire entendre dans ce tourbillon médiatico-politique.
Les protestants ont, avec dautres, porté la laïcité
française sur les fonts baptismaux (voilà que je me mets
aussi à ce vocabulaire
). Ils lont fait parfois avec
de mauvaises raisons (combattre lennemi catholique !) mais aussi
avec de bonnes raisons : construire une communauté nationale
qui intègre la diversité. Les libéraux ont, me
semble-t-il, ajouté deux éléments déterminants
: le dialogue avec la culture et linsistance sur la personne.
En effet, le libéralisme théologique sest construit
sur la nécessaire adaptation de la pensée théologique
à la modernité. De cette expérience, il a gardé
lhabitude du dialogue. Or notre époque a un urgent besoin
de dialogue. A Sarajevo, cest une question de vie ou de mort,
en France une question de désagrégation sociale. Dès
lors il est légitime que les religions, au même titre que
toutes les idéologies respectueuses de la démocratie,
participent au débat national. Ni plus, ni moins !
Quant au respect de la liberté de la personne,
si chère aux libéraux, elle est laffirmation du
primat de lindividu sur les institutions. Cela nest pas
de la démagogie égocentrique. Au contraire, cest
un parcours exigeant que dêtre libre au milieu de ses concitoyens.
Il ne saurait exister de communautarisme ethno-politico-religieux si
lon pense que la société est construite à
partir dune synergie dindividus, dun dialogue entre
des personnes, forcément singulières. La laïcité
est un dialogue, et non une cohabitation dindifférences.
Jean-Marie
de Bourqueney