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Les enjeux de l’inculturation en Afrique

Le synode africain pour l’Eglise catholique romaine a eu lieu en 1994. Le Pape Jean Paul II est venu en Afrique en septembre 1995 pour la présentation de l’exhortation post-synodale. Comme l’affirme le Pape dans son Homélie de Yaoundé : “Parmi les thèmes mis en relief, celui de l’inculturation mérite une attention particulière, car il est lié à l’annonce de la Bonne Nouvelle aux peuples et aux nations de votre continent ainsi qu’à leur entrée dans la vie selon l’Evangile. “Nous retenons que l’inculturation est liée à l’évangélisation et l’entrée dans la vie chrétienne. Elle a donc une importance que d’autres peuples n’ont peut être pas ressentie.Nous pouvons alors prendre un peu de recul et nous poser la question de ses enjeux en Afrique. Au fait, qu’est-ce que l’inculturation ? Qui en a besoin ? Qui l’autorise ? Que cache-t-elle ?Quelles sont ses limites et ses possibilités ? Inculturation et après ?

  • I. QU’EST-CE QUE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE ?
  • II. QUI A BESOIN DE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?
  • III. QUI AUTORISERA L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?
  • IV. QUE CACHE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?
    • 1. Le jeu des rusés
    • 2. La revanche du paganisme
    • 3. Le besoin de sécurité
    • 4. Une prise de conscience
  • V. LES LIMITES ET POSSIBILITÉS DE L'INCULTURATION
  • VI Inculturation et après?

I. QU’EST-CE QUE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE ?

Le christianisme africain se cherche depuis plusieurs années.Après l’assimilation, l’adaptation ou l’incarnation, on parle aujourd’hui de l’inculturation de l’Evangile en Afrique. Il faut entendre par inculturation, le fait d’introduire l’Evangile dans la culture, l’agir de l’Africain.C’est un processus par lequel la culture africaine est reconnue, acceptée et affirmée comme pouvant accueillir et véhiculer l’Evangile à l’instar de toutes les autres cultures dites chrétiennes.Derrière le problème de l’inculturation de l’Evangile en situation africaine, il y a la recherche de la légitimation de la culture africaine.Dans ce sens, ce processus devient une levée progressive ou brutale de l’interdit sur la culture des africains et sa libération par rapport à la culture occidentale. Il faut enfin ajouter que l’inculturation présuppose une aire culturelle plus ou moins permanente, localisable et identifiable.L’annonce de l’Evangile prend alors au sérieux cette aire culturelle avec ses langues, ses symboles, ses rites et sa vision du monde pour permettre l’accueil et l’adoption de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus le Christ.

Ainsi, l’inculturation de l’Evangile se laisse voir comme le fait de faire pénétrer l’Evangile dans une culture donnée.Mais alors, qui a besoin de cette inculturation de l’Evangile ?

II. QUI A BESOIN DE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?

C’est d’abord les Africains qui ont été déçus du christianisme tel qu’ils l’ont appris ou vécu dans la culture occidentale.Dépaysés, perdus et souvent frustrés, ils revendiquent la culture africaine pour y vivre un christianisme qui s’enracine dans leurs coutumes et traditions.

C’est ensuite ceux qui doutent d’eux mêmes et de leur culture et qui ont besoin d’une aide, de la caution de quelqu’un qui les autorise à vivre les exigences de l’Evangile dans et par leur culture.

Ils sont alors plus nombreux encore, tous ceux-là qui n’ont pas accès à la culture ou dont la culture est étouffée, appauvrie, aliénée ou détruite. L’Evangile reçu leur donne l’espoir d’un enracinement, d’une croissance, d’une occupation et d’une mise en valeur d’une aire culturelle.

C’est aussi et surtout ceux qui ont pris conscience de la mise en valeur de leurs richesses culturelles comme moyens d’évangélisation et possibilités d’expression liturgique et de témoignage de l’Evangile reçu.

Nous nous rendons compte que les artisans et les partisans de l’inculturation de l’Evangile peuvent être des revanchards, ceux qui sont à la recherche d’une libération, d’un enrichissement, d’une affirmation et d’une expression culturelle.

III. QUI AUTORISERA L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?

L’inculturation ne semble pas être un fait mais une demande.On a l’impression que l’Africain attend l’ordre ou l’autorisation de quelqu’un pour laisser le Christ entrer dans sa culture ou pour utiliser celle-ci à la gloire du Dieu de l’Evangile.

Cela peut se comprendre pour un peuple dont la culture a été niée au nom même de l’Evangile. On le sait, l’histoire des Africains a été faite de la négation de sa personne et de son histoire par l’Occident Chrétien et les Arabes musulmans.L’esclavage, la colonisation et la néocolonisation ont marqué l’Afrique et sa culture.Bien plus, les Africains ont été le seul peuple a être évangélisé à genoux.Comme l’affirme Achille Mbembe, “la conversion des africains a été l’aveu de leur échec, le refus de mourir, la ruse et le calcul pour survivre, le Christianisme des Africains s’est alors avéré une religion des vaincus et on constate que l’intelligence théologique africaine réduit la mémoire indigène du christianisme à une mémoire de la défaite.” (Afriques indociles). Ces vaincus ont intériorisé leur défaite et attendent le maître qui pourrait les délivrer.

Le Maître qui autorise ou approuve l’inculturation de l’Evangile semble être le censeur et négateur de la culture africaine d’hier.A. Sanon se souvient des paroles d’un missionnaire de 40 ans en Afrique et qui lui disait ceci après la soutenance de sa thèse de doctorat : “Vous m’aurez appris une chose : c’est que vos peuples ont aussi une culture… Jusqu’ici, nous autres missionnaires, nous ne voyions que des coutumes disparates, les unes plus ou moins bonnes, d’autres mauvaises.” (L’inculturation de l’Evangile, un défi lancé à la mission d’évangélisation. in Journal des missions Evangéliques 4/1987.)

Ce sont donc les missionnaires occidentaux qui, au nom de la supériorité et de la civilisation occidentale, refusaient et peuvent aujourd’hui autoriser la reconnaissance de la culture africaine.

L’occident à lui seul n’autorise pas l’inculturation. Le manque d’accès à la culture occidentale pour la plupart, l’échec de l’appropriation totale pour les élites qui s’y frottent, ont conduit un certain nombre d’Africains à se contenter de leur culture un peu plus par résignation et beaucoup plus comme refuge et tenant-lieu de ce qu’ils n’ont pas pû avoir ailleurs.La pauvreté, le manque des moyens et d’outils performants les ont poussés à s’installer sur des endroits incultes, déserts ou abandonnés de la culture africaine.Comme les bidonvilles et les ghetto de nos villes, ils se sont fait des bidonvilles et ghetto culturels à eux, ces exclus de la culture ambiante. C’est donc leur échec et leur exclusion qui les autorisent à s’installer dans la culture africaine et d’y faire entrer l’Evangile comme dans la vie des pauvres, le lieu des gens sans lieu et de la vie des gens sans vie.

Le troisième groupe des autorisés c’est celui de ceux qui lisent et écoutent l’Evangile.Ceux-ci savent que c’est l’Evangile qui vient vers eux.La Bonne Nouvelle les atteint là où ils sont, dans ce qu’ils font et avec ce qu’ils ont.Ces lecteurs et auditeurs attentifs déchiffrent, décodent et reçoivent le message en actualisant.Ils n’ont pas besoin d’un ailleurs ou d’un intermédiaire, car chacun entend les merveilles de Dieu dans sa propre langue (Act. 2/11). L’Evangile leur apprend que Dieu a tellement aimé le monde et lui a donné son Fils bien-aimé.Le monde de l’Africain fait partie de ce monde aimé de Dieu.Le Salut de Dieu s’adresse directement à tous y compris l’Africain. (Jn. 3/16) C’est donc à partir de l’Afrique où il se trouve dans ce qu’il fait et avec ce qu’il a que l’Africain doit répondre à l’Evangile.C’est donc l’Evangile même qui exige l’inculturation comme concrétisation de la Bonne Nouvelle qui a atteint son but.

Nous voyons que l’inculturation de l’Evangile peut être autorisée par le maître occident à son élève l’Afrique.Elle peut être un bidonville culturel qui s’installe sans autorisation ou se découvre comme un ilôt de résidence des traditions et coutumes ancestrales.Elle peut enfin être une exigeance de l’Evangile.Nous constatons qu’elle peut pourtant masquer des réalités qui risquent de nous échapper.

IV. QUE CACHE L’INCULTURATION DE L’EVANGILE EN AFRIQUE ?

Le désir et la demande de l’inculturation par la plupart des Africains cachent des jeux, des revanches, des besoins de sécurité, l’orgueil ou la prise de conscience du rôle que l’Africain entend jouer avec l’Evangile.

1. Le jeu des rusés :

La demande de l’inculturation se présente comme une ruse pour un nombre d’Africains. Ils veulent se repositionner dans le jeu des relations internationales et interculturelles. C’est un repli tactique sur soi en attendant voir la position de l’autre, avoir assez de souffle.Nous pouvons le dire avec Achille Mbembe, “pour de nombreux Africains, le christianisme fut “reçu” comme un nouvel instrument, une nouvelle magie utilisable dans les stratégies de remodelage des jeux et des échanges rendus critiques par le passage des sociétés anciennes aux sociétés coloniales. (Afrique Indocile).C’était vrai hier, c’est encore et toujours vrai aujourd’hui. A défaut de se frayer une place au niveau international, à cause du manque de dialogue avec les autres théologies qui ne leurs accordent aucune attention, les théologies africaines se contentent de se replier dans la culture africaine pour masquer leur manque d’ouverture et le peu de sérieux que les autres leur réservent.

2. La revanche du paganisme :

L’inculturation cache mal un réel désir du retour au paganisme pour une catégorie des chrétiens ou une stratégie de la revanche de ce même paganisme contre le christianisme à partir de l’intérieur de celui-ci.Pour un certain nombre de chrétiens, ouvrir l’Evangile à la culture africaine correspond à laisser le chrétien africain reprendre ses idoles, intégrer ses dieux dans la foi, aller chez le voyant, sacrifier aux crânes des ancêtres, se blinder sans mauvaise conscience, se faire purifier par les prêtres de la religion traditionnelle.C’est en somme, avoir la licence de pratiquer le paganisme dans le christianisme et dans l’Eglise sous le couvert de l’inculturation. Ici encore, Mbembe a vu clair. En effet, “Dans un contexte marqué par la libéralisation de l’espace des offres de sens, le “génie du paganisme” se découvre de nouveaux champs d’investissements et de nouveaux projets.Il parvient à mieux faire connivence avec les attentes montantes (même si, au bout du compte, il les dérive vers l’imaginaire) et à coaliser avec les dimensions de l’intelligence ancestrale autrefois réprimées par l’ordre colonial tout court” (Afrique Indocile).Aussi se rend-on compte que l’inculturation va avec un certain retour aux religions traditionnelles et la recherche d’une certaine sécurité.

3. Le besoin de sécurité

Dans le train des mutations culturelles, économiques, sociales et technologiques, plusieurs africains sont pris par le vertige. L'étendue et la profondeur du changement les bouleversent et les poussent à un besoin de sécurité. Où trouver celle-ci, si non dans le passé inchangé et inchangeable comme ils s'imaginent ? En effet, plusieurs africains pensent que malgré et contre toutes mutations, il doit exister la "culture africaine" qui serait immuable et éternelle. Elle correspondrait alors à l'identité culturelle africaine. Aussi, l'inculturation de l'Evangile serait-elle le processus par lequel l'Evangile permet à l'africain de retrouver son authenticité, son infalcifiabilité de toujours, et surtout, l'abri contre les attaques des autres cultures. Ainsi, certains africains chercheraient dans l'Evangile plutôt le vaccin contre tout changement et la puissance du maintien de la culture africaine de toujours. Or ils oublient que l'Evangile est subversif. Il bouscule, bouleverse, transforme, purifie et restructure toute culture qu'il rencontre et dans laquelle s'incarne, prend vie et donne vie. Nous ne pouvons donc ne pas rappeler ce que Jean-Marc Ela appelle "les dérives de l'inculturation". Celle-ci ne saurait être la tentation de recapturer la tradition comme si celle-ci était un "bosquet" inattaquable, un lac ou un îlot hors de l'histoire.

Nous dirions donc avec Ela : "L'Afrique est soumise à des conditionnements bien plus efficaces que les valeurs de la tradition. Il faut bien voir que l'urbanisation, les contraintes économiques actuelles, l'explosion scolaire, la croissance du chômage, la sécheresse et les famines sont les phénoménes qui bouleversent la condition de l'homme en Afrique noire. Les tâches de la foi en Afrique exigent la confrontation du christianisme avec les structures ou les mentalités qui surgissent du heurt entre le monde noir et les autres peuples." (Ma foi d'africain). Ainsi, la pénétration de la culture africaine par l'Evangile ne correspond pas à une fixation, un enfermement ou une mise à l'abri de l'africain mais à une mobilisation, une ouverture et une exposition de l'africain à une aventure avec les autres. Si sa culture ne l'aide pas à le savoir, l'Evangile l'en rend conscient.

4. Une prise de conscience

L'Evangile ne saurait être un calmant, un tranquilisant ou une anesthésie. Bien au contraire, introduit dans une culture, il réveille celle-ci, lui donne vie et rend dynamique les acteurs ; et riches, les bénéficiaires de cette culture là. Il pousse à une prise de conscience, celle de la finalité, du sens et de la place de cet agir d'un particulier parmi et avec les autres. L'inculturation ne saurait être l'enfermement de l'Evangile dans le folklore, les danses et les rites des traditions africaines. Kamana dénonce un tel évangile de l'identité culturelle.

En partant du Christ, qui y est associé, il pense qu'il ne peut toucher l'africain dans son existence. Ainsi, "inculturé dans un type d'esprit qui n'a pu affronter efficacement le colonialisme et le néocolonialisme en tant que défis pour notre destinée, le Christ fonctionnait dans notre imaginaire comme un pur objet magique, sans rapport avec les grands mouvements de libération où se sentent le besoin des ruptures décisives entre notre passé et notre présent, entre notre présent et notre avenir." (Christ d'Afrique, Enjeux Ethiques de la foi africaine en Jésus-Christ). Aussi pensons-nous que l'Evangile dans une culture en devient le levain qui la conduit à maturation, le sel qui lui donne sa saveur, la lumière qui l'éclaire, le feu qui la purifie et le jugement qui la met constamment en procès et fait ainsi d'elle une culture de développement et de relation avec les visées de Dieu pour l'homme et pour la création.

Ainsi, le mouvement de l'inculturation cache mal les angoisses des africains dans un monde où il a perdu sa culture et n'arrive plus à acquérir des nouvelles autres.

Il camoufle une recherche d'une suffisance africaine, expression d'un repli sur soi. Mais il traduit aussi clairement sa prise de conscience de ne pas baisser les bras et d'aller vers les autres avec ce qu'il est, et ce qu'il a, et qu'il entend fructifier au nom de l'Evangile.

V. LES LIMITES ET POSSIBILITÉS DE L'INCULTURATION

Il faut le souligner tout de suite, l'inculturation ne pouvait être synonyme de folklorisation ou de transformation de l'Evangile en tradition et coutume. Nous sommes avertis : "Prenez garde que personne ne vous séduise par les arguments trompeurs et vides de la sagesse humaine : elle se fonde sur les traditions des hommes, sur les forces spirituelles du monde, et non sur le Christ." (col.2/8) Nous devons savoir que la culture est produit de l'homme mais elle n'est pas et ne saurait se substituer à celui-ci. Tout comme l'homme, producteur et consommateur de la culture, celle-ci a des limites dans lesquelles elle risque de confiner l'Evangile, surtout si l'inculturation de l'Evangile est une action humaine.

1. Si l'inculturation est un effort pour mettre la Bonne Nouvelle dans l'agir de l'homme, elle risque d'y trouver ses limites, les éléments de sa capture, sa géôle et même les germes de sa mort plus ou moins programmés. En effet, si la culture est une production de l'homme, l'homme pêcheur ne peut que produire une culture entachée du péché. Un Evangile introduit dans une culture de péché reste prisonnier du péché et peut même en mourir. L'inculturation peut buter contre le péché de l'homme et y trouve ses limites si elle se contente d'attendre ou de trouver la culture pour y faire pénétrer l'Evangile, elle risque de s'éteindre par manque de culture ou de nager dans les nuages et les chimères culturels.

L'Evangile qui n'atteint pas l'homme et ne reste que dans la culture de celui-ci, peut devenir une fermentation et une expression du péché qu'on décèlera plus ou moins facilement dans l'éthnocentrisme, le tribalisme, l'éthno-théologie, l'égoïsme, l'auto-suffisance ou la suprêmatie, équivalant à l'orgueil culturel et aboutissant à des guerres et génocides culturels. L'inculturation quant à elle n'est pas l'agitation dans une culture, peut aussi devenir un leurre, un trompe-l'oeil, un tranquilisant qui endort le peuple africain pendant que les autres affrontent l'Evangile, luttent avec Dieu (Gen. 33/24-32) et se laissent être transformés par lui. Aussi, toute inculturation qui n'atteint pas l'homme, reste dans les limites de la culture et ne saurait y opérer un changement qui affecte sérieusement et durablement l'homme.

2. Mais l'inculturation a aussi des possibilités quand, au-delà de la culture, elle vise l'homme source, produit et consommateur de toute culture. Elle devient alors le processus d'évangélisation qui cherche à atteindre l'homme au coeur de son existence. Elle touche le moteur de cette vie de l'homme et appelle celui-ci à la repentance, à la conversion et à une nouveauté de vie avec Dieu, soi-même, les autres et le reste de la création. Nous pouvons ainsi dire avec Paul : "si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature ; le monde ancien est passé, voici toutes choses sont devenues nouvelles." (II Cor. 5/17). C'est donc l'homme transformé par l'action de l'Esprit et greffé à Christ qui peut devenir une nouvelle plante. Cette plante qui produit des bons fruits parce que enracinée dans l'Evangile et vivant de sa sève, qui se laisse régulièrement émonder par la Parole de Dieu pour produire d'avantage de fruits de qualité, un bon ombrage pour les oiseaux et pour ceux qui désirent un abri. Un tel Evangile transforme en libérant et en responsabilisant l'africain vis-à-vis de lui-même et des autres, celui-ci sait et devient conscient qu'il ne croit pas par procuration mais qu'il a la foi en ce Christ qui l'a libéré, et en reconnaissance, il aimera et servira son Seigneur de tout son être et toute sa culture.

3. Alors si l'Evangile devient une puissance qui, en transformant l'homme transforme sa culture, nous pouvons dire que l'inculturation devient possible quand l'Evangile cultive l'homme, le fertilise et le rend productif des bonnes plantes qui donnent des bons fruits. Dans ce sens, il devient une puissance de conversion, de changement de mentalité et de comportement. Il se manifeste comme une puissance de guérison, de libération, de la vie en abondance, de la mobilisation, de la reconstruction et de la construction d'un avenir.

4. L'inculturation devient possible, fructifiante et enrichissante lorsque l'Evangile ne vise pas à s'installer et s'enfermer dans une culture mais à faire de celle-ci un véhicule et un instrument de Dieu au service de Dieu pour le bien-être de l'homme, la garde et la protection de toute la création. De cette manière, la rencontre de l'Evangile et de la culture, sans tenter de réduire ou d’assimiler l'un ou l'autre, vise à faire de la culture de l'homme, le lieu et l'instrument de la science, de la paix, de la dignité humaine, du droit de l'homme, du respect de l'intégrité, de la création, de l'ouverture à Dieu et à l'autre. Quand l'Evangile entre dans une culture, il anime les acteurs et les bénéficiaires de cette culture. Il donne à celle-ci la possibilité de devenir un instrument de communication, de rassemblement, de développement et de compréhension des peuples, au service de Dieu, de soi et du prochain.

Ainsi, l'inculturation peut être nocive si elle se contente de la culture, sagesse, tradition, coutume et principes humains. L'homme producteur de cette culture étant capable du meilleur et du pire, parce que personne en rupture de relation avec Dieu. Mais s'il devient un homme de Dieu, il produira une culture qui reflétera et structurera sa relation avec Dieu et les autres de manière qu'il puisse dire : "Tout est fait pour la gloire de Dieu, tout dépend de ce que tu en fais."

VI. INCULTURATION ET APRÈS ?

Notre dernière question concerne l'après inculturation. Maintenant que celle-ci devient une réalité, que va-t-on faire ?

Nous pensons que l'inculturation de l'Evangile en soi n'a pas de sens. Elle ne pourra avoir l'impact dans la foi chrétienne en Afrique que lorsqu'elle libérera l'africain et lui permettra de poser et de résoudre ses problèmes fondamentaux.

L'africain culturellement libéré, pourra s'engager dans la lutte contre la misère, le gaspillage, les injustices et les guerres, utiliser toutes les ressources et les richesses dont regorge l'Afrique.

Bien plus, l'inculturation pousse à l'amour et à l'exercice de la culture. Au nom de l'Evangile en action dans cette culture particulière, basée en grande partie sur l'émotionnel et l'irrationnel, l'africain chrétien se doit d'être une personne qui cultive la science, la technique, la prise de parole, de manière à avoir la maîtrise sur son environnement et d'utiliser sa connaissance des hommes et choses pour servir Dieu et l'humaine condition.

Aussi pensons-nous qu'après l'inculturation, commence le temps de la mobilisation, de la science, de la technique, de la mise en valeur des ressources africaines par les africains. C'est l'heure de la reconstruction et de la construction. Peut-être la fin des discours non opérationnels et le début des actions qui portent la marque des africains désormais responsables devant Dieu et devant l'histoire, ont commencé.

Pasteur Fabien Ouamba
Institut de théologie de N Kongsamba.
Ndoungue ( Cameroun),

 

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