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La joie de Pâques et notre rire

Nous sommes terriblement rebelles à la joie, le fond de nos cœurs lui est fermé et même hostile. Nous estimons que tout le progrès que nous avons fait depuis plusieurs années, c'est de ne plus croire au bonheur, c'est de ne plus nous attendre à la joie.

Parce que nous sommes devenus si pessimistes, nous croyons être devenus raisonnables. Nous pouvons disserter indéfiniment sur tous les dangers qui nous guettent, sur le poids des impôts et sur l'aggravation probable de la crise, mais nous sourions dès que quelqu'un veut nous persuader du bonheur. Nous nous sommes fait une vertu de ne pas croire en Dieu, de ne pas espérer en lui et nous tenons, comme à la plus chère de nos acquisitions, à la plus sûre de nos expériences, à ne pas nous laisser entraîner à cette chose si douloureuse et qui nous a déjà fait tellement souffrir : espérer.

Oui, sans doute, il est impossible à l'homme d'être heureux. Il nous est terriblement difficile, avec nos soucis, avec les deuils que nous avons subis, avec les déceptions que nous avons rencontrées, de croire que nous pourrions encore nous renouveler, recommencer notre vie et trouver un nouveau bonheur. Et cependant, ce qui est impossible à l'homme est justement ce qui est si aisé à Dieu. C'est précisément à Dieu qu'il appartient de faire cette chose impossible : nous rendre heureux. Comment voulons-nous que Dieu se manifeste si nous ne laissons opérer en nous que les choses que nous pourrions faire nous-même. Faire des choses impossibles, c'est la part de Dieu, c'est son attribut imprescriptible, c'est sa signature. Notre grand péché, c'est de ne pas assez attendre de Dieu, de ne pas assez exiger de lui et, par le fait même, nous lui refusons le moyen de se montrer Dieu en nous. Toute l'étendue en nous que nous avons fermée au bonheur, nous l'avons fermée à Dieu. Toutes les zones de notre âme où nous nous sommes résignés à ne pas laisser entrer la joie et la lumière, nous en avons exclu Dieu. Il faudrait accepter cette chose impossible : que le bonheur nous envahisse de nouveau, qu'il soulève toutes les montagnes de notre cœur, qu'il nous réjouisse de la plus fraîche, de la plus neuve, de la plus violente joie, pour que Dieu en nous puisse redevenir Dieu. Et c'est précisément ce qui devrait se passer… à Pâques.

A Pâques, il nous est révélé combien Dieu s'intéresse à nous, combien Dieu veut intervenir dans nos vies, combien Dieu veut prendre de place dans notre existence, et son amour est tel que si on consent à y croire, il ne peut pas faire autre chose que de prendre en nous toute la place et opérer tout renouvellement. C'est cela que la Passion nous révèle, c'est que Dieu nous aime. L'amour qu'il a pour nous, la passion d'amour avec laquelle il veut nous transformer et nous sauver. La Passion nous révèle notre terrible pouvoir sur Dieu. Quand quelqu'un nous aime, nous avons un grand pouvoir sur lui, pouvoir de le réjouir, pouvoir de le faire souffrir.

Eh bien, la Passion est la révélation du pouvoir que nous avons sur Dieu. Il s'est livré à nous, nous l'avons eu à notre disposition, on en a fait ce qu'on a voulu. On a pu prendre sa main, mais c'était pour la percer, son visage, mais c'était pour le souffleter. Son cœur, il nous l'a livré, c'était pour que nous le percions. On a pu tout lui faire, le dénuder, et tout ce qu'on peut faire subi à quelqu'un qui vous aime et qui vous est livré.

Et cependant, quand on y pense, quelle source de joie il y a là. Tout cela, qu'est-ce que cela signifie, sinon le pouvoir que nous avons sur lui pour le réjouir ? Puisqu'il nous montre ainsi combien il nous aime, il nous montre ainsi combien il est sensible à notre amour. Nous pouvons, pour le réjouir, tout ce que les autres, tout ce que nous-mêmes avons pu faire pour le faire souffrir.

Nous aussi, nous pouvons réjouir son cœur. Quelle joie, quelle audace, quelle folie d'amour doit engendrer en nous l'exemple même de ses bourreaux. C'est avec eux qu'il nous faut rivaliser de zèle et en voyant tout ce que Jésus leur a donné de pouvoir sur lui pour faire souffrir, nous mesurons tout le pouvoir qu'il nous donne sur lui pour le réjouir.

Jusqu'ici, nous avons aimé Dieu d'un amour découragé, accablé, d'un amour qui n'osait pas se dire, qui ne croyait pas plaire, qui n'avait pas l'audace de croire qu'il pouvait réjouir. Nous venions devant lui, et accablés de son silence, nous partions vite. Nous en avions vite assez de rester, de parler, d'agir seuls. Mais ce que la croix nous apprend et ce que nous rend présent la résurrection de Pâques, c'est un Dieu tendre, simple, enfant, infiniment sensible à nos marques d'affection, infiniment vulnérable, un Dieu sans préjugés contre nous, qui prend sa joie dans notre cœur. Quel étonnement est le nôtre !

Dieu est infiniment meilleur que nous ne l'avions jamais cru, Dieu grandit devant nous à sa véritable stature, Dieu, enfin, brise l'étroite enveloppe dans laquelle l'avaient enfermé nos préjugés, nos déceptions. Dieu se montre Dieu devant nous.

C'est cela la joie de Pâques, c'est avoir retrouvé Dieu, l'avoir reconnu tel qu'il est et a toujours été, tel que nous l'avions méconnu. Pâques, c'est venir devant Dieu s'agenouiller, s'asseoir et rire de joie à la pensée qu'on le réjouit.

Louis Évely
Echanges " Aube " - 26400 Piégros-la-Clastre

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