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C’est quelquefois “la faute aux medias…”

Vous connaissez la ritournelle : lorsqu’un phénomène surgit dans la société et que personne ne veut en prendre la responsabilité, on s’empresse de crier que c’est “la faute aux médias”.

Quelques exemples : la violence dans les banlieues (elle existerait peu et de manière très circonscrite) ; la contestation de Claude Allègre (limitée à une minorité de professeurs hyper-syndiqués) ; ou l’affaire Dumas (les médias grossissent les faits mineurs).

Mais il arrive parfois que les médias et donc la société marchande voient des problèmes là où il n’y en a pas.

C’est la réflexion que je me suis faite en méditant sur le sauvetage des trois alpinistes bloqués pendant 9 jours dans un igloo construit de leurs froides mains.

Spontanément, j’ai réagi comme bon nombre de journalistes, un brin moralisateurs, qui se sont indignés du fait que les trois gaillards auraient vendu en exclusivité et pour 300.000 F – voire 600.000 F – les photos prises pendant leur glacial séjour, au grand hebdomadaire “Paris-Match”.

Comme eux, j’ai commencé par ironiser sur ces jeunes gens au fond assez malins pour faire commerce, non de leurs charmes, mais de leurs exploits.

Car exploits, il y a manifestement. Il faut avoir un moral d’acier, une sacrée lucidité et une volonté de fer pour résister à une température de 0 degré, dans la nuit ou presque, avec pour seul lien avec l’humanité un téléphone mobile, et ce pendant 8 jours et 9 nuits.

Exploit si grand que beaucoup ont imaginé qu’il avait été prémédité, pour en tirer grand profit.

Mais si l’on observe la manière dont les médias –journaux, radios et télés réunis- ont opéré pendant ces jours, la morale de l’histoire peut apparaître sous un jour nouveau.

Rappelez-vous : pendant 8 jours, matin, midi ou soir, lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs, nous avons eu droit à plusieurs minutes ou lignes sur les hommes des neiges. Jour après jour, les médias construisaient un feuilleton à rebondissements fabriqués, pour tenir les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, en haleine, à partir de ce qui n’était, après tout, qu’un triste fait divers.

Un couplet sur les valeureux sauveteurs qui, sans se lasser, par temps bouché, ont tenté de repérer les hommes perdus. Un couplet sur les familles, anxieuses et angoissées, à juste titre. Un couplet sur le coup de fil de 10 ou 15 secondes, envoyé de l’igloo. Un couplet sur les chances de les retrouver vivants. Enfin, un couplet sur leur héroïsme.

Comment s’étonner alors que nos trois jeunes gens, de toute façon touchés physiquement et psychologiquement, accueillis comme les Alain Bombard des neiges, priés de donner une conférence de presse comme un président de la République après une négociation à Bruxelles, se soient glissés, sans trop de problèmes dans la peau des héros que les médias avaient imaginés ?

N’y a-t-il pas beaucoup d’hypocrisie, alors, à s’indigner d’une attitude qui s’inscrit dans le droit fil d’un comportement médiatique, quasi général ? Général, non parce que tous les journalistes seraient sans morale ou sans convictions, mais parce que les médias au service desquels ils travaillent sont des entreprises marchandes qui existent pour faire de l’argent avec de l’information ou tout autre produit dérivé.

Je me souviens de la phrase qui concluait rituellement le “Vrai-faux journal” de Claude Villers, sur France Inter : “Et si jamais il ne se passait rien, nous ne manquerions pas d’interrompre notre journal pour vous le faire savoir…”.

Claudette Marquet

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