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La venue du Royaume de Dieu annoncée par Jésus

Un lien très profond relie l’attente eschatologique de Jésus et le drame de la Croix. En fait, Jésus, d’après Schweitzer, fut témoin, chaque jour davantage, du tragique ajournement de la venue d’un Royaume qu’il attendait d’un jour à l’autre. C’est alors que Jésus, d’après Schweitzer, comprend (hypothèse vertigineuse) qu’il doit prendre sur lui les tribulations ultimes pour hâter la venue du Royaume en se sacrifiant ainsi en rançon pour les élus et en souffrant à leur place : “ Cest là le secret de l’idée de la Passion15. “ Il ne s’agit pas dans cette expiation d’un acte exigé par Dieu pour pardonner aux hommes leurs péchés et les sauver ; il s’agit d’un sacrifice choisi, d’une souffrance librement consentie et d’une “ mort volontaire16”, pour provoquer la venue du Royaume. C’est ainsi que la Croix a un caractère sacrificiel et expiatoire : “ La pensée avec laquelle Jésus va à la mort est donc que Dieu acceptera le sacrifice librement consenti par lui comme une expiation en faveur des croyants17. “

En fait, pour Schweitzer, Jésus s’est trompé et le Royaume de Dieu n’a toujours pas fait irruption dans l’histoire. Cette affirmation fit scandale. Elle scandalisa les théologiens libéraux, pour qui l’attente eschatologique de Jésus n’avait pas à être prise au pied de la lettre, mais dans un sens purement symbolique, que lui avait déjà, selon eux, conféré Jésus ; elle choqua tout autant les théologiens orthodoxes convaincus de l’infaillibilité de Jésus. Albert Schweitzer se mit ainsi tout le monde à dos. Cela dit, il insista sur le fait que l’erreur de Jésus était positive et permit à son message de traverser, de manière universelle, siècles et millénaires.

L’erreur de Jésus, en effet, nous permet de la sortir de son cadre pour nous attacher à un message éternel d’amour et d’espérance, sans nous cramponner à un contexte, un cadre, pour tout dire un moule très secondaire. L’attente active du Royaume a donné et donne l’éthique de l’amour du prochain un dynamisme qui contredit toute résignation. L’erreur de Jésus démontre la vérité éternelle d’une Parole qui, en réalité, a surmonté, transcendé le fait, que l’on aurait pu croire accablant, de la non-réalisation de son attente du Royaume. Nous découvrons ainsi qu’une vérité spirituelle authentique, si elle n’est pas indépendante des conditions historiques qui l’ont vu naître, n’en dépend pas pour autant. Cette vérité se vérifie, en quelque sorte, par sa vérité qui transcende le temps.

Extrait du livre “Albert Schweitzer”, par L. Gagnebin, collection “ Temps et visages“, Desclée de Brouwer. ISBN 2-220-04459-9. FF. 98.

15. Le secret historique de la vie de Jésus, op. cit. , p. 178.

16. Ma vie et ma pensée, op. cit. , p. 60.

17. Ibid. , p. 49.

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