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Élections américaines :
Dieu, soutien ou obstacle des candidats à la présidence ?

Obama et Mc CainLa constitution américaine l’affirme : la religion d’un candidat ne saurait lui fermer la route de la présidentielle. Mais dans un pays où les citoyens déclarent à 90% avoir une croyance religieuse, taux le plus important des pays occidentaux, comment demander leurs votes sans s’expliquer sur sa foi?

Et c’est souvent profitable de le faire : Dieu peut se révéler un soutien dans la course aux votes. En 2000, lors d’un débat de la campagne américaine, à la question « Qui est votre philosophe préféré ? » George W. Bush avait répondu « Jésus Christ ». La réponse était allée droit au cœur des électeurs conservateurs.

La question de l’appartenance religieuse est aujourd’hui plus complexe et épineuse pour les candidats des deux bords.

Côté républicain, John McCain a grandi dans l’église épiscopalienne mais il est à présent membre d’une Église baptiste près de sa résidence de Phoenix. « Je ne suis pas épiscopalien. Je suis baptiste » expliquait-il en septembre 2007, ajoutant une semaine plus tard, « le plus important, c’est que je sois chrétien ».

Toutefois, McCain, divorcé et modéré sur de nombreux sujets de société, est considéré avec suspicion par la frange la plus conservatrice du parti républicain. Il a activement cherché le soutien de pasteurs médiatiques. En février dernier, John Hagee, pasteur baptiste d’une « méga-church » et « télévangéliste » très populaire, et Rod Parsley, pasteur médiatique originaire d’Ohio, lui ont donné leur « endorsement » (soutien officiel).

Mais ce soutien est devenu un handicap quand ces figures très en vue ont tenu des propos polémiques de nature à effaroucher les électeurs. R. Parlsey a déclaré que l’islam était « une religion violente par nature ». John Hagee, qui compte sur l’État d’Israël pour accomplir les événements précédant le retour du Christ (imminent selon lui), a expliqué dans un sermon rediffusé récemment qu’Hitler était un « chasseur » envoyé par Dieu pour provoquer le retour des juifs en Terre sainte. Il a aussi qualifié l’Église catholique de « secte organisée » et de « grande putain » (« great whore »).

« Ces commentaires sont fous et inacceptables » a déclaré McCain en rejetant le soutien des deux pasteurs le 20 mai dernier, ajoutant à propos de Parsley, « il n’y a pas de place pour ce type de dialogue en Amérique ».

Barak Obama a dû prendre lui aussi ses distances vis-à-vis de son pasteur mais sa première tâche a été de convaincre qu’il n’était pas musulman.

Sénateur relativement peu connu avant le démarrage de sa campagne, des éléments de sa biographie ont jeté le trouble : père kenyan musulman, une enfance en Indonésie, pays majoritairement islamique…. Barak, dont le deuxième prénom est Hussein, a expliqué qu’il avait été élevé par sa mère, chrétienne, et qu’il était devenu pratiquant à 27 ans, lorsqu’il avait rejoint une Église protestante appartenant a la dénomination UCC (United Church of Christ).

Certaines voix, sans remettre en doute son récit, se sont élevées pour craindre que ce parcours ne créé des problèmes internationaux en cas d’élection d’Obama.

« Fils d’un père musulman, Obama est né musulman selon la loi coranique, telle qu’elle est universellement comprise » écrit Edward Luttwark dans un article du New York Times du 12 mai 2008, ajoutant que le sénateur, en embrassant la foi chrétienne par la suite, était devenu un apostat. « Les juristes des écoles Sunnites et Chiites commandent l’exécution de tout adulte qui quitte la foi sauf en cas de contrainte».

Élu Président, Obama ne serait probablement pas poursuivi en justice, analyse Luttwark, mais la loi islamique interdit la punition d’un musulman qui tue un apostat, et même interdit d’interférer avec un tel acte. « Pour le moins, cela compliquerait la sécurité d’une visite d’État dans un pays musulman, car le simple fait de protéger le Président constituerait un péché pour les forces de sécurité locales. »

Cette opinion a attiré de nombreuses réactions outrées de connaisseurs du monde arabe. « C’est le parent qui a la charge morale d’élever son fils dans l’islam, écrit I.Mattson, présidente de la Islamic Society of North America. Les enfants n’ont aucune obligation légale de rejoindre la communauté musulmane. » Obama, dont le père était non pratiquant, n’a jamais été élevé dans la religion musulmane et ne serait donc pas considéré comme ayant trahi la foi coranique.

Le candidat démocrate a dû aussi faire face à des controverses émanant de l’Église à laquelle il appartient, la Trinity United Church of Christ de Chicago. Jeremy Wright, son pasteur et ami, qui l’a marié, a baptisé ses filles et a inspiré le titre d’un de ses livres “The Audacity of Hope”, a été scruté par les médias. Ses sermons les plus virulents ont été diffusés. Dans la tradition des prédicateurs appartenant au courant de la « Black Liberation Theology », Wright dénonce le racisme et les injustices de la société américaine. « Que Dieu maudisse l’Amérique! » s’est-il exclamé dans un sermon, phrase répétée sur toutes les chaînes de télévision et sur internet.

Obama a dit regretter les paroles de division de son mentor, lui qui se veut rassembleur. Lorsque le Rev. Wright, interviewé en avril, a ajouté que les attentats du 11 septembre étaient un juste retour des choses, et a hasardé une hypothèse sur le SIDA, propagé à dessein par le gouvernement américain, Obama a officiellement coupé les ponts puis, après les nouvelles outrances d’un pasteur invité, a fait savoir qu’il quittait la congrégation.

Ces démêlés auraient pu inciter le candidat démocrate à s’en tenir fermement à la ligne inaugurée par Kennedy en 1960. Catholique, cherchant à rassurer la majorité protestante qu’il ne prendrait pas ses ordres de Rome, JFK avait appelé à une Amérique “où la séparation de l’Église et de l’État serait absolue”, insistant sur le caractère privé de la conviction religieuse d’un Président.

Le 8 juin 2008, ainsi que le rapporte le Wall Street Journal du 10 juin, Obama suggéra une vision plus nuancée, soulignant que les grands réformateurs de l’histoire américaine avaient été motivés par leur foi et n’hésitaient pas à utiliser un langage religieux. “Dire qu’on ne doit pas faire intervenir notre foi personnelle dans le débat public est concrètement absurde”, a-t-il déclaré. “Nos lois sont par définition une codification de morale dont la grande majorité est fondée sur la tradition judéo-chrétienne.”

Comment ces propos seront-ils ressentis auprès des démocrates les plus attachés à la laïcité ? Barak semble avoir déjà décidé que Dieu ne serait pas un obstacle dans sa campagne.

Anne-Cécile Baer

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