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Le « discours de Latran » de Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy et Benoît XVI, le 20/12/2007

J'ai lu, comme beaucoup et via un grand quotidien national, des extraits du « discours de Latran » de Nicolas Sarkozy, discours dans lequel il affirme que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » et qu’il « assume pleinement […] ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise ». On pourra se réjouir de cette reconnaissance et de cette ouverture au champ religieux ; on pourra également adhérer à cet avènement souhaité d’une « laïcité positive ». Mais, à bien des égards, les pères de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat voulurent, précisément, avec elle, un tel avènement à savoir la paix et le respect de tous, croyants ou non.

Mais de quelles racines « chrétiennes » parle-t-on ici ? Des racines catholiques romaines, comme l’indique le rappel significatif d’une union de la France à « l’Eglise », au singulier. Or la Loi de 1905 est bien celle de la séparations des « Eglises », au pluriel, et de l’Etat. Les propos du Président de la République ne sont-ils pas en réalité la négation de tout un pan de l’histoire des religions dans notre pays ? Les racines « chrétiennes », mais lesquelles ? Quid du judaïsme, de l’islam, du protestantisme et plus spécialement, en ce qui nous concerne, du protestantisme français persécuté dans ce rappel ? Les racines chrétiennes sont aussi celles de l’Inquisition, de Louis XIV et de la révocation de l’Edit de Nantes. Et les racines ne sont pas que chrétiennes, mais aussi celles des Lumières (qu’attaque régulièrement le pape) et de la Déclaration des droits de l’homme en 1789. On sait les liens du protestantisme avec ces racines-là ; on pense aussi à Rousseau et à sa Lettre à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, lettre dans laquelle il affirme sa foi protestante. Quant à notre protestantisme, il a un lien étroit, sorte d’alliance objective, avec les racines de la République et de notre laïcité. C’est en cela que les propos de notre Président ont quelque chose d’assez scandaleux et provocateur ; ils ignorent une part immense de notre histoire religieuse et sont la négation même de ce qu’a défendu et veut encore notre protestantisme. Ils sont à sens unique, orientés par et vers Rome.

L'enterrement du cardinal Lustiger à Notre Dame avec une brochette de ministres qui, à part celui de l'Intérieur (et des cultes), n'avaient rien à y faire en tant que ministres, fut l'inauguration intolérable de ce qui se déroule maintenant sous nos yeux.

Laurent Gagnebin

Réaction d'André Gounelle

De Tillich, j'ai appris - entre autres - une chose essentielle : toutes les religions sont ambiguës, à la fois angéliques et démoniaques, à la fois admirables et odieuses, elles engendrent le meilleur et le pire. Si les "laïcistes" de fermeture oublient ce qu'elles ont de positif et de précieux, Nicolas Sarkozy passe sous silence ce qu'elles peuvent avoir de négatif et de dangereux - en particulier quand elles ne se critiquent pas elles-mêmes, lorsqu'elles ne portent pas et ne nourrissent pas en elles un "protestation" contre elles-mêmes: ce que ne font ni le catholicisme ni le fondamentalisme.

Si le catholicisme, ce serait stupide de le nier, a beaucoup apporté à la France, sa fermeture à la Réforme, son refus des grands principes de la Révolution, son hostilité à la République naissante, son rejet du modernisme ont été néfastes pour notre pays.

André Gounelle


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