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Quand les paroles de Jésus me relèvent

 

« Jésus sauveur du monde ». Ce dogme irréfutable me donne toujours l’impression d’un slogan publicitaire raté.

Raté tout d’abord, parce qu’il n’y a qu’à voir le monde qui nous entoure pour démontrer que cette idée est totalement saugrenue. Les aveugles ne voient toujours pas. Les gens continuent de mourir de cancers ou d’autres maladies. Les prisons sont pleines. Tout le monde ne mange pas à sa faim. La guerre continue dans le monde. Elle est même de retour depuis plus d’un an sur le sol européen. Donc Jésus est sauveur de quoi ? En tout cas, pas du monde, dans sa globalité. Par contre, ce dont je suis convaincue c’est que son message me sauve moi. Pour le dire autrement, son message me relève, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Je ne suis pas sauvée concrètement du mal. J’ai aussi une part sombre. Je suis toujours immortelle et pas à l’abri du malheur.

Si Jésus me sauve, c’est parce que, par son message, je peux affronter chaque jour le monde qui m’entoure. Le monde dans lequel nous vivons est par définition absurde. On dit que la vie est injuste. Mais elle n’est ni juste, ni injuste. La vie est la vie. Et par le message de Jésus de Nazareth, je peux me relever des difficultés ou des incompréhensions qui arrivent dans ma vie.

La première difficulté qui m’apparaît régulièrement c’est ce besoin d’être heureux et parfait en toutes circonstances. Les étalages des librairies et des bibliothèques regorgent de livres ou de magazines sur le bien-être. Depuis plusieurs années, on nous martèle qu’il nous faut être heureux ! C’en est devenu un devoir. Nous devons être heureux, sinon on a raté notre vie d’une certaine manière. Ça me fait un peu penser à cette phrase de Nicolas Sarkozy en 2009 : « Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a quand même raté sa vie ». Toutes ces injonctions ! Et quand on n’y arrive pas, qu’est-ce que cela dit de nous ? Toutes ces injonctions en deviennent culpabilisantes. Et si par hasard nous avons un passage à vide, c’est la fin du monde. On n’a pas réussi. On a raté quelque part. On est nul, stupide et j’en passe.

Les théologiens sont peut-être aussi complices de cette dérive. En effet, il est habituel de dire, dans nos Églises, que le but de l’Évangile, le but de la foi c’est de nous remplir de joie et de bonheur. Croire n’est pas un parapluie contre le malheur ! Et, comme partout dans le monde, il existe des croyants malheureux et d’autres qui sont heureux. Il existe aussi plein de raisons différentes pour être heureux. Et c’était déjà le cas à l’époque de Jésus de Nazareth.

Que ce soit dans l’antiquité ou à la nôtre, il nous arrive de ne pas nous sentir à la hauteur. Dans ces moments, on se fait des reproches assez sympathiques. Au fond de nous, il y a cette petite voix sournoise. Nous ne nous en rendons peut-être même plus compte. Et cette voix commente chacune de nos actions ou de nos pensées. Cette voix sait me donner des noms d’oiseaux bien sympathiques, parce que j’ai oublié d’acheter du pain ou quand je me suis trompée sur la marque de café, voire encore, parce que j’ai mangé tout le paquet de chips. Par cette petite voix, on se reproche de ne pas avoir fait les choses assez bien. On aurait aussi pu mieux faire. On se reproche de ne pas avoir eu la bonne parole au bon moment.

Il existe un proverbe espagnol que j’apprécie : « notre pire ennemi ne nous quitte jamais, car c’est nous-même ». Et c’est tellement vrai ! Et ces personnes qui nous nuisent, qui nous font du mal c’est souvent nous-même. Nous sommes notre pire juge. Et souvent les punitions les plus dures sont celles que nous nous infligeons. Mais pourquoi agissons-nous ainsi ?

Nous nous punissons par manque de confiance en nous ou parce que nous nous interdisons de nous tromper ou de faire une erreur. Mais surtout nous le faisons parce que nous ne nous aimons pas. Et c’est là que les paroles de Jésus de Nazareth me relèvent. Tout le monde connaît le second plus grand commandement dans le christianisme. C’est « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Marc 12,31 ; Matthieu 22, 39). On se souvient toujours du début de la phrase, mais pas de la suite. « Comme toi-même ». Jésus nous invite à nous aimer nous-même.

On ne peut pas penser à nous, prendre soin de nous, si nous ne nous aimons pas. Et pourtant l’estime de soi rime avec amour de soi. S’aimer soi-même c’est un grand défi. On est imparfait et on mérite d’être aimé. On dit que Dieu nous aime, donc on pourrait s’arrêter là. Et dire que c’est bon, on mérite d’être aimé et on l’est par lui. Mais c’est cacher le problème. C’est oublier la totalité de ce second commandement : j’aimerai mon prochain comme moi-même.

Être persuadé que les autres sont dignes d’amour et d’être aimés, mais pas nous, c’est le symptôme classique d’un manque d’amour pour nous. On pense qu’être dur envers nous n’a aucune conséquence sur les autres. Mais ce n’est pas vrai du tout ! En ne nous aimant pas, tout notre être le montre et contamine nos gestes, nos paroles et nos proches, sans oublier nos relations avec eux et avec nous-même.

Le message de Jésus de Nazareth n’est rien d’autre que de nous rappeler que nous sommes vulnérables et donc courageux. Et courageux veut dire étymologiquement prendre les choses avec cœur. Ainsi, en étant vulnérable, courageux, en prenant les choses avec cœur, on est digne de s’aimer et, dès lors, digne d’aimer les autres et Dieu. Et pour être honnête, j’aime mes amis avec leurs défauts. Ces petits défauts qui caractérisent la personne. Et il en va de même pour nous !

Il arrive à tous d’oublier quelque chose ou de nous tromper. Il nous arrive à tous de regretter une action, une parole, l’absence d’action ou de parole. Nous ne sommes pas plus bêtes qu’un autre. Dans ces moments là, nous pouvons nous demander : qu’est-ce que nous dirions vraiment à un ami qui a oublié son parapluie ? On ne lui dirait pas quel con tu es, j’en suis persuadée.

Et c’est dans cet esprit que le message de Jésus de Nazareth me relève. À chaque fois que je me trompe ou que je crois ne pas réussir, je me souviens qu’au final, je suis telle que je suis, ni meilleure, ni pire que les autres. Mais cela ne s’arrête pas qu’à ça, il y a ce verset dans la lettre aux Romains 12, 18, où l’apôtre Paul rappelle que tout ne dépend pas de nous : « S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes ». Je ne suis pas responsable des émotions des autres. Je n’ai pas d’emprise dessus. Mais quand la relation dépend de moi, je peux faire un pas vers l’autre. Je retrouve cela aussi dans différents passages bibliques. Mais celui qui me touche en ce moment c’est : « laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord faire la paix avec ton frère ou ta sœur ; puis reviens et présente ton offrande à Dieu. Dépêche-toi de te mettre d’accord avec ton adversaire tant que tu es encore en chemin avec lui. Tu éviteras ainsi que ton adversaire ne te livre au juge, que le juge ne te remette à l’officier de justice et qu’on ne te jette en prison. » (Matthieu 5, 24-25) Ce cheminement que Jésus m’invite à faire avec l’autre, qu’il soit mon frère, ma sœur ou mon adversaire, c’est une manière de me relever, une manière d’avancer. Parfois, je pense aussi que c’est une manière de prier. Être en relation entre les humains est une prière, et c’est même une belle forme de prière.

 

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À propos Emmanuelle Jacquat

est pasteure à Chavornay (dans le canton de Vaud, Suisse) et membre du conseil d’administration d’Évangile et Liberté.

Un commentaire

  1. pierre.lavoisy@orange.fr'

    LA RÉPONSE EST SIMPLE À FORMULER, MAIS MOINS ÉVIDENTE À VIVRE :

    « TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME TU ES AIMÉ INCONDITIONNELLEMENT PAR DIEU. »

    Pierre Lavoisy Eglise protestante Unie de France

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