De grâce (au sens le plus religieux du terme !), ne prenez pas au mot le titre du nouvel opus de Christian Delahaye, et ne dites pas adieu à son livre à la seule vue de sa couverture ! Assurément, l’ouvrage semble de prime abord un récit de vie (on dirait plutôt un itinéraire spirituel) catholique qui paraît bien loin de nos préoccupations : un fervent laïc catholique fait des études de théologie de très haut niveau et propose vainement ses services à l’institution catholique corsetée encore aujourd’hui dans un cléricalisme « aussi antichrétien qu’insensé ». L’auteur nous livre ici un témoignage édifiant sur le « saut périlleux arrière dans le Moyen Âge » que redoutait déjà Dietrich Bonhoeffer : la manière affligeante dont l’Église catholique, quelques décennies seulement après les belles espérances du Concile Vatican II (1962-1965), est en train de s’autodétruire en s’enfermant dans des certitudes d’un autre âge.
Pourtant, ce n’est pas seulement par amitié œcuménique ou par goût de l’exotisme ecclésial (!) que ce livre doit retenir notre attention. Mais d’abord par sa méthode de réflexion théologique résolument inductive : ne pas raisonner (j’allais écrire ronronner) dans l’abstrait, mais partir de l’analyse de son propre vécu : d’abord « se raconter pour témoigner de Jésus-Christ ». Puis, à partir de là, imaginer-rêver-prier par exemple ce que peut ou doit être l’Église : non pas la boutique confessionnelle qui brandit ce titre comme un étendard, mais cette mystérieuse assemblée aux indiscernables frontières de toutes celles et de tous ceux qui entendent vivre une fidélité créatrice à l’enseignement de Jésus-Christ.
Ce n’est donc pas seulement a contrario que peut nous aider cette analyse « sévère mais juste » d’une Église moribonde dans sa rage suicidaire de se cramponner aux certitudes du concile de Trente ; mais aussi par la réflexion et les espérances de l’auteur qui s’inspire souvent de la pensée de Dietrich Bonhoeffer dont il s’est appliqué à reconstituer le testament spirituel. Et la preuve, sans nul doute, que le livre a fait mouche, c’est qu’une fois la dernière page tournée, on a grande envie de lire d’autres ouvrages de Christian Delahaye, ce journaliste-théologien dont les deux talents communiquent. Notamment : Et si le christianisme n’était pas du tout une religion (2015) et plus encore L’Alliance contre nature, quand les religions nourrissent le populisme (2018, lire Évangile & liberté mai 2020).
Christian Delahaye, Adieu curé, Paris, Empreinte temps présent, 2021, 200 pages.
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