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L’actualité des Dix Commandements

 

Il fut un temps où le rappel des Dix Commandements, sous forme abrégée, occupait une place inamovible dans le déroulement du culte, immédiatement suivi d’une confession des péchés, souvent inspirée de celle qu’on attribue à Calvin : « Seigneur Dieu, Père éternel, nous reconnaissons et nous confessons devant ta sainte majesté que nous sommes de pauvres pécheurs, nés dans l’esclavage du péché, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, qui transgressons tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant sur nous, en conséquence, la condamnation et la mort. » Résultat le plus fréquent dans l’esprit du paroissien moyen : ces commandements sont une loi à ne pas enfreindre sous peine de se faire taper sur les doigts de verte manière, sinon dans l’immédiat, du moins quand nous aurons quitté ce monde. La pédagogie protestante de jadis allait fortement dans ce sens. À en croire la description qu’en a faite Pierre Bayle (1647-1706) dans l’une de ses pensées, « on ne remarqu[ait] que de mauvaises inclinations dans les enfants. Ceux qui les élèvent trouvent toujours quelques vices à corriger, et si, par les menaces et par les promesses et par les bonnes instructions, on ne réparait les défauts de la nature humaine, tous les enfants deviendraient des garnements, et incapables de rien valoir de toute leur vie. »

Est-ce réellement cela qu’entendaient promouvoir les premiers représentants de la Réforme qui choisirent de bannir toute image de leurs temples, fût-elle une simple croix (elles n’y ont fait un timide retour que dès la fin du XIXe siècle), mais y affichaient en bonne place le texte du Décalogue, parfois flanqué des figures de Moïse et d’Aaron ? J’ai peine à croire qu’une conception aussi « censurante » de la foi aurait pu gagner l’assentiment des fidèles au tout début de ce qui allait devenir le protestantisme.

Travaillant sur des textes de Zwingli, j’ai eu l’heureuse surprise de tomber sur cette affirmation : « J’appelle ici évangile tout ce que Dieu révèle aux humains et réclame d’eux. Car quand Dieu montre sa volonté aux humains, cela réjouit ceux qui aiment Dieu et c’est donc pour eux certainement une bonne nouvelle ; c’est à cause d’eux que je l’appelle évangile plutôt que loi. » Voilà qui n’a rien de répressif ou de rébarbatif !

Sautant d’un siècle à l’autre, je me suis demandé si cette loi, voire ce Décalogue, n’est pas justement l’un des aspects de l’Évangile dont notre siècle a besoin pour sortir de son marasme.

Car ce dans quoi nous sommes embourbés est bien un marasme. Non pas seulement celui que suscite la lancinante succession des différentes formes de covid. Mais aussi et surtout un marasme de civilisation, en tout cas dans notre coin de planète. Le Décalogue, non pas tellement dans son libellé mot à mot, mais dans sa visée profonde, n’est-il pas de nature à nous tirer d’affaire ? Refuser toute idolâtrie, à commencer par celle de notre propre moi, respecter la vie et le bien de notre prochain, n’attenter ni à son honneur ni à ses liens conjugaux, ne sont-ce pas des consignes qui, à leur manière, se situent dans la droite ligne de l’ancien texte hébreu ? Cela ne vaut-il pas la peine d’être pris en considération ?

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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