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Un nouveau christianisme ?

 

Les deux derniers ouvrages traduits de John Shelby Spong, Pour un Christianisme d’avenir et Être honnête avec Dieu sont on ne peut plus différents dans la forme. Pourtant, tant est grande la cohérence de la pensée de l’auteur, qu’on y retrouve les mêmes thèmes.

Le premier, Pour un christianisme d’avenir, se veut une somme des années de travail et de recherches de l’évêque épiscopalien (anglican) américain. Le second est une compilation – par Gilles Castelnau, ancien membre de notre comité de rédaction – de 139 des innombrables lettres hebdomadaires de Spong publiées de 2001 à 2017 sur le site progressivechristianity.org, en réponse à des questions de toutes origines. On y retrouve disséminées les idées exprimées de façon plus agencée dans le premier livre.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’œuvre de Spong ou la connaîtraient mal, il est évidemment impossible de résumer ici l’audace et la pensée de notre homme. Ces deux ouvrages fournissent tout de même une approche globale, remarquablement claire. Il s’agit de théologie pédagogique, sans être simplificatrice, ni savante. Ce qui, vu l’originalité des idées, constitue déjà un exploit.

L’auteur part d’un constat, facile à faire : le christianisme recule, les églises et temples se vident. Il l’explique. Depuis Copernic et Galilée, on ne peut concevoir Dieu comme un « être » installé au-dessus des nuages et s’intéressant plus ou moins à ce qui se passe sur terre (c’est ce que Spong appelle le « théisme »). Depuis Darwin, on ne peut imaginer qu’il y eut un âge d’or de perfection, le « Paradis terrestre » dont la « Chute » nous aurait chassés, et auquel nous pourrions revenir grâce au sacrifice de Jésus. Freud pense que l’homme a « inventé » les religions et un Dieu-père tout-puissant pour pallier nos insuffisances et apaiser nos angoisses.

Mais les traditionalistes, attachés à une lecture littérale de la Bible, en sont restés à une vision pré-copernicienne, pré-darwinienne et pré-freudienne. D’où le hiatus total entre le « vieux » christianisme et le monde moderne.

Tout le combat de Spong est de lutter contre ce littéralisme ou fondamentalisme, pour revivifier le christianisme. Et il mène cette « réforme » en douze « thèses » (les termes ne sont pas anodins) : Dieu, Jésus, le péché originel, la naissance virginale, les miracles, la théologie de la Rédemption, Pâques, l’Ascension, l’éthique, la prière, la vie après la mort, l’universalisme. Tous ces thèmes sont revus par la pensée tout à fait  radicale de Spong. Il affirme que les textes du Nouveau Testament, conçus par des juifs de culture grecque, ont été déformés au IVe siècle par les Conciles qui ont prétendu définir une fois pour toutes la « vraie foi », selon des critères bien dépassés aujourd’hui, et qui n’étaient même pas valides du temps de Jésus. Bien des développements ne surprendront pas les protestants parmi les libéraux mais on pourra tout de même être parfois désarçonné. J’ai apprécié notamment les passages consacrés au Décalogue, dont il est démontré par des exemples concrets et émouvants que pas un des « Dix commandements » ne peut être tenu comme vérité absolue et éternelle.

De même, son explication rationnelle du « passage de la Mer rouge » est particulièrement séduisante, alors qu’en général les analyses rationnalistes des miracles ne sont guère éclairantes.

Spong s’affirme fermement chrétien et définit une nouvelle « Trinité » : la vie, l’amour, le fondement de l’être.

Non dépourvu d’humour lorsqu’il égratigne les traditionalistes, Spong fait aussi preuve d’une grande humanité lorsqu’il évoque les drames vécus par ses paroissiens, ou même des épisodes de sa propre existence. Il faut dire aussi qu’il a été très engagé dans la lutte pour les droits civiques des Noirs, pour l’égalité hommes-femmes et pour les droits des homosexuels, et ce alors qu’il a d’abord exercé son sacerdoce dans  des régions particulièrement attachées aux valeurs conservatrices, comme la Virginie et la Caroline du Nord, la fameuse Bible Belt.

Mais il y a surtout un appel urgent : si nous voulons que le christianisme survive au XXIe siècle, il doit impérativement se réformer dans le sens recommandé.

Spong a aussi la modestie de rappeler que s’il réussit, ses idées pourront paraître dans quelques siècles aussi démodées que celles de ses adversaires aujourd’hui.

  John Shelby Spong, Pour un christianisme d’avenir, Paris, Karthala, 2019, 267 p ; Être honnête avec Dieu, Paris, Karthala, 2020, 182 pages.

 

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À propos Didier You

a été juriste dans le cinéma puis magistrat. Il est depuis des années actif au sein de l’Église du Foyer de l’Âme dont il a dirigé durant dix ans le bulletin mensuel. Il est prédicateur laïc occasionnel.

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