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Remettre le christianisme en selle

 

Le christianisme est de moins en moins toléré en Europe du Sud ; en France il en vient à être rejeté – au mieux il est accepté comme folklore qu’il faut préserver comme on préserve la diversité des espèces animales. Pour une part, cela tient au fait que « le religieux n’est plus compréhensible à l’extérieur, qu’il ne nous apprend plus rien qui puisse être éclairant pour tous, et qu’il n’a plus de réel rapport aux réalités humaines et sociales ». C’est à partir de ce constat que Pierre Gisel, professeur honoraire à la faculté de théologie et des sciences religieuses de Lausanne, rédige un essai qui puise dans de nombreuses analyses philosophiques pour penser le religieux à nouveaux frais, conjointement avec le politique et le civil. Il ne s’agit pas pour lui de se demander s’il y a encore une place pour le religieux dans le monde sécularisé pour la prendre et la défendre ; il s’agit de penser la fonction du religieux, sa pertinence et ses limites.

D’une part, il s’agit d’aborder de manière critique des formes religieuses qui vident la religion de son essence, par exemple la « religion totale » ou les mouvements de réaffirmation radicale, comme c’est le cas de l’évangélisme ou du salafisme. Ces religions qui ripostent à des situations de crise par la volonté d’une « position hégémonique » font de la communauté une fin en soi, y compris pour la société qu’elles entendent absorber. Dès lors, Dieu est davantage un partenaire qui rassemble qu’une instance de décalage ; l’Église s’imagine modèle de société (ou contre-modèle), porteuse d’une justice totale telle que la logique du sacrifice expiatoire de Jésus la présente et qui est une forme perverse de la justice qui impose une autoaccusation infondée de l’humanité.

D’autre part, l’auteur repère des fonctions propres à la religion qui vont plus loin que repérer ce qui ne va pas dans la société, ce qui dégrade l’humanité (quand la croissance se fait sans limite, sans altérité, sans transcendance, par exemple). Ainsi la religion peut-elle symboliser le temps et l’espace d’une part et « s’articuler à ce qui se tient en excès de l’humain ou ne s’y ramène pas, n’a de fait pas à s’y ramener ». Il rappelle que la religion offre autre chose que du bien-être – je dirais que l’Église n’a pas pour but d’être « sympa ». Elle a les moyens d’offrir les outils nécessaires pour penser ce que l’humain fait au cœur du monde, sans chercher à réduire les particularités puisqu’elle n’a pas pour objectif l’homogénéité d’une communauté qui n’est d’ailleurs pas sa perspective – contre l’avis de bien des croyants qui recherchent le confort et la sécurité d’une communauté sans différences. Ainsi, dans une religion qui assume sa fonction sociale, « on y parle de mythologies, de rites, d’initiations et de célébrations, d’appartenance et de passages, d’insertion dans le cosmos, de lignage, de frontières. On y raconte aussi du dépassement et de la transgression, régulés, et parfois – non toujours – de l’utopique et de l’excès ». Aux théologiens d’en faire une transposition utile pour l’espace républicain.

 Pierre Gisel, Sortir le religieux de sa boîte noire, Genève, Labor et Fides, 2019, 230 pages.

 

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

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