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Pâques et l’Ascension, symboles de la foi réformée

L’a-t-on jamais expressément relevé ? J’en doute et j’avoue avoir moi-même mis du temps à m’en rendre compte. La page de titre du tout premier manifeste de la foi réformée, à savoir l’explication et justification des thèses réformatrices que Zwingli a présentées à Zurich le 23 janvier 1523, comporte une image très significative du Christ ressuscité, voire sur le point d’être élevé à la droite de Dieu. Elle est entourée d’une devise, Dess walt Gott, signifiant à peu près « Ceci est au pouvoir de Dieu », et surtout accompagnée de cette parole de Jésus qui a toujours été une sorte de mot d’ordre pour le réformateur zurichois : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je veux vous donner du repos ».

On devrait toujours se souvenir de cette image quand on veut caractériser la foi à la manière réformée et prendre conscience de ce qui la distingue de la foi de tournure luthérienne. L’image la plus caractéristique de la foi luthérienne est à cet égard celle de la prédelle du célèbre retable de Lukas Cranach dans l’église paroissiale de Wittenberg. On y voit Luther en train de prêcher et montrant un crucifix, c’est-à-dire le Christ en croix, aux fidèles rassemblés pour l’écouter. Pour Luther, en effet, prêcher l’évangile consiste à « montrer » par son discours le salut que concrétise Jésus crucifié. C’est bel et bien une « théologie de la croix », comme on dit en termes d’école. Elle se concrétise entre autres dans la doctrine dite de la consubstantiation : pour Luther et la tradition à laquelle il a donné lieu, le Christ est censé être présent dans, sous et avec le pain et le vin de la cène. Autre indice éloquent : les croix qui se dressent sur les autels luthériens sont « habitées », c’est-à-dire qu’elles comportent une représentation du Crucifié.

Chez les réformés, en revanche, les croix qui ont fait leur retour dans leurs temples, d’abord très timidement à l’extrême fin du XIXe siècle, puis de manière assez insistante dans les années 1950, sont toujours « inhabitées » ou devraient l’être : elles ne comportent aucune représentation du Crucifié pour la bonne et simple raison que nous sommes des gens d’après la résurrection. Zwingli a d’emblée beaucoup insisté sur ce point : le problème de notre salut a été réglé une fois pour toutes par le sacrifice du Christ, il n’y a pas à le répéter, même sous une forme symbolique. Jésus nous a laissé, voire légué, les signes du pain et du vin pour nous le rappeler. Mais il n’y a là que du pain et du vin, et le Christ qui depuis l’Ascension « siège à la droite de Dieu » ne peut ni ne veut s’y trouver sous quelque forme que ce soit. En revanche, lors de la célébration de la cène, il entend être présent par son Esprit dans le cœur et la conscience de celles et ceux qui partagent ce pain et ce vin, et sont ainsi appelés symboliquement à devenir et former l’Église qui, elle, comme l’a dit l’apôtre Paul, est le corps de Christ.

C’est à tout cela que fait allusion, tel un programme, l’image du Ressuscité qui figure en première page du tout premier manifeste la foi réformée.

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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