Cette année, le 9 février, les Suisses votent sur l’interdiction de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Si les Helvètes sont invités aux urnes, c’est parce qu’un comité référendaire a récolté assez de signatures pour obtenir une votation permettant d’annuler la modification du Code pénal et du Code pénal militaire adoptée en 2018. À l’heure d’écrire cet article, nous ne connaissons pas encore le résultat de cette votation.
Si le référendum est accepté par le peuple, l’incitation à la haine homophobe, au même titre que la discrimination raciale, ethnique ou religieuse, sera condamnée pénalement. Pour le comité référendaire, cette nouvelle norme menace la liberté d’opinion et de commerce. Elle serait également inutile puisque le Code pénal suisse sanctionne déjà quiconque insulte ou rabaisse une personne publiquement. Parmi les groupes et associations qui s’opposent à ce référendum, on trouve un comité, fondé par des gays et des lesbiennes suisse-allemands (https://sonderrecht-nein.ch/).
Derrière ce référendum se cache un thème que la société semble avoir de la peine à prendre en compte : l’amour. Le texte de loi soumis au peuple suisse parle bien d’orientation sexuelle et pas d’homosexualité ; ce qui pose question c’est que l’amour est passé sous silence. En effet, en matière d’orientation sexuelle, on parle plus facilement de sexualité que d’amour. Pourtant l’amour sexuel, consenti entre individus majeurs, ne regarde personne d’autre que les personnes concernées. Du reste, dans les évangiles, il n’est question à aucun moment de la sexualité de Jésus. Et Jésus, lui-même, ne s’intéresse pas à la vie sexuelle des gens, parce que l’amour physique est de l’ordre de l’intime. De savoir qui couche avec qui n’est pas une question pertinente, me semble-t-il.
Pourtant la curiosité malsaine et inconsciente d’un grand nombre de personnes ramène nécessairement le débat à la question primaire du sexe et de la reproduction, comme cela a été le cas lors de débats télévisés sur le « mariage pour tous » ou pour ce référendum. C’est comme si, dans l’imaginaire de ces personnes, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queer, intersexes, asexuels (qu’on désigne par l’acronyme LGBTQIA+) étaient incapables de connaître l’amour autrement que par le sexe. Si l’amalgame entre amour et sexualité se fait, c’est peut-être parce qu’en français il existe un seul mot pour parler d’un sentiment qui se conjugue de manière différente. Il n’y a qu’à voir en grec où il existe quatre termes pour définir les différentes formes de l’amour : agapè, qui est l’amour inconditionnel, éros, l’amour naturel ou le plaisir corporel, philia, l’amour touchant au domaine de l’amitié, et storgê, l’amour familial. L’amour a donc plusieurs sens et plusieurs possibilités. Et chaque être humain est capable d’en connaître toutes les dimensions.
Ainsi, au lieu de nous attarder sur ces questions de sexualités, on devrait d’abord se battre pour le respect et la liberté de chacun. En effet, ce qui devrait nous animer, c’est quelque chose qui touche au vivre-ensemble. C’est quelque chose de plus grand et profond : l’amour dans toute sa dimension intrinsèque, parce que l’amour est le moteur de la vie. Il se vit dans les tripes, au plus profond de nous. Et je suis convaincue qu’une fois que notre société aura compris cela, nous pourrons enlever certaines lois. Mais en attendant, les lois doivent être là pour assurer le respect des personnes et de leur liberté. Et tant que cela ne sera pas garanti, il me semble primordial de nous battre pour rappeler qu’« il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme » (Galates 3,28), mais des individus égaux et libres, quelles que soient leurs opinions, leur religion, leur couleur de peau ou leurs orientations amoureuses.
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