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Défendre les libertés publiques

 

L’Assemblée Nationale a voté une loi permettant au préfet dépendant du ministre de la police d’interdire de manifestation ceux qui lui paraissent dangereux. Les débats ont été vifs. Un parlementaire, M. Charles de Courson, a souligné les dangers du texte. Me François Sureau, avocat, a critiqué la loi dans Le Monde. L’éternel problème de la défense des libertés publiques est à nouveau posé.

 Les menaces

Les techniques de communication récentes permettent à Big Brother de tout savoir de notre vie privée et, en principe, seul un juge peut autoriser l’accès à nos données. Oui, mais un président de la République a fait écouter amis et adversaires illégalement. Quid maintenant ?

Pour paraphraser Montesquieu, il ne faut toucher aux libertés qu’avec une main tremblante. Or nos parlementaires ne tremblent pas : certains ont proposé de réinventer les camps de concentration pour « les fichés S » désignés par la police et pour lutter contre les « fake news », d’autres ont imaginé de définir la vérité. Les médias ont inventé le procès public sans juge, sans débat contradictoire, sans appel. Les décisions sont terribles et l’accusé condamné est, dans le meilleur des cas, ridiculisé et, dans le pire, déshonoré. Ces nouveaux jeux du cirque suscitent les mêmes joies malsaines du public. Dominique Baudis a été poursuivi pendant trois ans, l’opinion a été abreuvée de récits sales. Il  a été condamné médiatiquement. La justice, elle, a rendu dans le silence une décision de non-lieu. Il était innocent. Il a été détruit. Il a disparu. Le juge se laisse parfois emporter. L’affaire d’Outreau a montré à quel point la justice pénale peut faillir devant les passions et les peurs ; elle a montré aussi la nécessité d’une défense libre et forte. Les avocats ont fait vivre la tradition ancienne des grands pénalistes passionnés de liberté.

 La nécessaire défense des libertés

Les grands libéraux avaient confié au juge la mission de protection. Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont confirmé cette nécessité. Le Conseil d’État a inventé dans l’après-guerre « les principes généraux du droit particulièrement nécessaires en notre temps » pour leur soumettre les décisions des autorités publiques. En 1950, la Convention Européenne des Droits de l’Homme a réaffirmé les principes civilisateurs de nos sociétés. La France a accepté de s’y plier, ce qui signifie que le justiciable peut désormais se défendre utilement et surtout faire contrôler la conformité des lois au principe de liberté. La technique dite de « question préalable de constitutionalité » permet à tout justiciable de demander au juge d’écarter une loi liberticide. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, que chacun peut saisir, fait preuve d’une audace libératrice : l’obligation d’impartialité du juge est effectivement garantie, les droits de la défense sont minutieusement détaillés et sauvegardés. Les grandes libertés sont effectivement protégées.

Il est nécessaire de contrôler la violation des libertés par les géants d’Internet, par les procès médiatiques… Qui peut mieux le faire que le juge ? Un fonctionnaire ? Une société privée ? La foule ? Le juge doit avoir le monopole effectif de la défense des libertés. Il doit disposer de la compétence technique lui permettant d’intervenir dans tous domaines. Sa décision ne sera admise que s’il dispose d’une autorité sociale certaine. Sa formation, sa rémunération, sa réputation doivent être à la hauteur de son rôle. Il ne faut plus que l’inspecteur des finances poursuivi s’étonne de l’audace du magistrat.

Pour cela, il doit être irréprochable. Il n’est pas admissible qu’il s’affirme partisan, qu’il viole le secret de l’instruction et nourrisse le procès médiatique des procès-verbaux de sa procédure. Ces dérives alimentent le mépris.

Nous avons le privilège inouï de vivre dans une société où cette merveille fragile est encore partiellement préservée. Le modèle politique dominant dans le monde devient celui de la liberté économique associée à la suppression des libertés publiques. Il appartient à chacun de défendre la culture des libertés publiques, c’est-à-dire le respect des libertés des autres, de tous les autres, et surtout de ceux que nous n’aimons pas et qui nous exaspèrent.

 

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À propos Jean-Louis Rigaud

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