L’iconographie antique représente le kairos comme une divinité ailée, chauve à l’arrière du crâne, infléchissant l’un des côtés d’une balance : il est trop rapide pour que l’on puisse s’en saisir, fût-ce par les cheveux, bien qu’il soit un moment-clef orientant significativement l’existence. Il fait partie des termes utilisés dans le Nouveau Testament pour nuancer le temps, avec aiôn (temps du monde ou du Royaume), ôra (heure, instant) et chronos (temps qui se déroule).
Les auteurs du Nouveau Testament emploient ce mot de façon variée : il peut désigner toutes les caractéristiques du temps mettant en relation l’homme avec Dieu. Il est souvent utilisé dans le même sens qu’en grec classique, comme un moment opportun (pour semer, récolter). Chez Aristote, le kairos désigne un temps dynamique, qui produit des actes qui restructurent la réalité. Pour Platon, il est l’instant bref et unique où tout est possible, entre le « pas-encore » et le « jamais-plus ». L’être humain ne peut le provoquer, mais il peut développer sa vigilance et sa capacité à se saisir de ce moment porteur de fruits.
Cet emploi du mot est associé dans le Nouveau Testament à des usages en apparence quelconques (en ce temps-là…) mais le temps dont il est question n’est jamais quelconque, puisqu’il s’agit de celui de l’action de Jésus. Il devient alors l’instant (ôra) où le temps (aiôn) de Dieu fait irruption dans le temps humain, ouvre le champ des possibles et réoriente l’existence. C’est ainsi que les théologiens du milieu du XXe siècle, dont Paul Tillich, définissent ce qui devient sous leur plume un concept théologique. Pour Tillich, Jésus est le kairos par excellence, mais il peut y en avoir d’autres, à la dimension de l’Histoire comme à celle de l’existence humaine.
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