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L’armistice et la paix : requiem et nativité

 

Otto Dix, Assaut sous les gaz, 1924. Gravure à l’Eau-forte. Berlin, Musée historique allemand. Photo C.C. Wikimedia

Le 11 novembre 1918, à 11 h 00, l’écho des clairons et des cloches annonçait à la France la fin d’un calvaire de quatre années, d’un conflit interminable dans la brutalité et la boue duquel la civilisation européenne avait été engloutie. Bien avant l’aube, dignitaires allemands et français venaient de signer l’armistice dans la clairière de Rethondes.

Jusqu’aux derniers instants, la mort aura accompli son œuvre. A 10 h 45, Augustin Trébuchon fut le dernier soldat français à tomber au combat. A 10 h 59, Henry Gunther, soldat américain, obtint l’effroyable honneur d’être l’ultime perte combattante du conflit.

Ces deux hommes sont les lignes finales d’une glaçante comptabilité. La Première Guerre mondiale aura dévoré près de 19 millions d’individus, dont près de 10 millions de combattants. Au troisième rang des nations les plus endeuillées figure la France, avec plus de 1,3 million de ses fils fauchés par la barbarie guerrière, derrière la Russie (1,8 million) et l’Allemagne (2 millions).

Ces morts – et les survivants – forment une cohorte de héros inconnus. Dans un pays comptant alors 40 millions de citoyens, on dénombrera 4 millions de blessés. Quelle famille ne sort de la guerre en pleurant un frère, un fils ou un père ? Quel village – même parmi les plus reculés – n’a pas son monument aux morts attenant à l’église ? C’est une Nation tout entière qui émerge meurtrie de cette guerre, emplie de héros qui auraient préféré demeurer anonymes et ordinaires.

On les dit Morts pour la France. Et chaque année, le 11 novembre réunit à leur souvenir celui de tous ceux tombés pour ce pays. Leur mémoire doit brûler dans nos consciences non pas seulement comme une douleur mais comme un devoir. Ces frères, ces fils et ces pères sont morts pour la France : pour qu’elle n’ait plus jamais à pleurer tant de pères, de fils et de frères.

Il y a cent ans, l’Europe se réveillait étourdie par la folie meurtrière à laquelle elle s’était livrée. La paix lui fut-elle donnée ? Ils l’espérèrent. Nous savons qu’elle ne le fut pas. L’armistice n’est pas la paix mais le silence des armes et une mauvaise paix – telle que celle écrite à Versailles en 1919 – n’est jamais qu’un armistice travesti. Seule une paix authentique est à la hauteur de la mémoire de nos soldats.

Au XXe siècle, la civilisation européenne s’est successivement effondrée dans deux barbaries sanguinaires. Des ruines de cette Europe de guerre s’est levée une Europe de paix. Mais sommes-nous certains de vivre en paix ? Si nous n’y prenions garde, cette paix pourrait un jour se révéler n’avoir été qu’un long armistice. Et quelle plus grande injure y aurait-il pour nos prédécesseurs, sauvagement sacrifiés, que d’abîmer de nouveau l’Europe dans la division des peuples, le nationalisme et la guerre ?

En 2008, le dernier combattant français de la Grande Guerre disparaissait. Il recevait à l’occasion de solennelles obsèques nationales. Il s’appelait Lazare Ponticelli. Engagé volontaire, en dépit de sa minorité. Italien de naissance, ayant fui la misère de sa campagne natale. Migrant économique. Héros français. Combattant pour un drapeau sous lequel il n’était pas né, il est une part de notre identité et de notre mémoire. Tout comme les 100 000 musulmans morts pour la France. Nos héros se sont battus et sont morts pour nos vies. Puissent nos vies être à la hauteur de cette dette. Puisse le requiem de nos héros nourrir une nativité nouvelle pour l’Europe.

À lire les articles de Jean-François Collot d’Escury « À quelles conditions la guerre est-elle au service de de la paix ? » et  Rudi Popp « La réconciliation issue du terroir « 

 

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À propos Maxime Michelet

est étudiant, diplômé d’un master d’Histoire contemporaine à la Sorbonne ; issu d’une famille de tradition athée, il a rejoint le protestantisme libéral à l’âge adulte à travers le temple de l’Oratoire du Louvre de Paris.

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