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Parler de Pâques aujourd’hui

 

Jésus, tel que les évangiles nous en tracent le portrait, meurt par la volonté de dirigeants religieux. Ceux-ci sont jaloux de leur pouvoir qui pourrait leur être contesté par cet homme qui a non seulement du succès auprès des foules, mais qui pourrait prétendre à la fonction de grand prêtre puisque sa mère, Marie, est manifestement de la tribu de Lévi. Jésus meurt également à cause de l’inquiétude de dirigeants politiques qui font passer la raison d’État et leur position dominante avant la justice.Quelle est la part de Dieu dans la mort de Jésus ?Dieu, qui ne souhaite pas la mort du pécheur, ne souhaite pas non plus la mort de l’innocent. Dieu, qui n’a que faire de nos holocaustes, n’attend pas nos sacrifices sanglants, mais espère notre humilité. Le procès de Jésus met en évidence la responsabilité humaine et les tentatives avortées de Dieu pour éviter le crime d’État.Après que Jésus a indiqué à Pilate que son pouvoir politique doit être pensé au regard d’une exigence supérieure aux intérêts personnels, que c’est face à Dieu que les décisions doivent être prises pour qu’elles aient un caractère ultime, Pilate prend la défense de Jésus, mais ce n’est pas suffisant. La croix révèle la faiblesse de Dieu qui veut, mais ne peut pas empêcher la mise à mort.Cela sera exprimé par la déchirure du voile du temple,signe que Dieu prend le deuil lors de la mort de Jésus,signe que cette mort ne correspond pas à sa volonté.

Traditionnellement, c’est le vendredi qu’est située la mort de Jésus dans la chronologie des événements. Souvent nommé « vendredi saint », ce jour parle de toutes nos situations de deuil qui sont, d’abord, des situations de rupture où nous éprouvons une profonde injustice. Le vendredi saint parle de toutes ces épreuves qui nous écrasent et dont nous ne savons pas si nous arriverons à nous relever. Vendredi saint parle aux enfants dont l’amitié a été trahie. Vendredi saint parle aux adolescents qui réalisent que leurs parents ne sont pas les adultes modèles qu’ils s’étaient imaginés.Il parle aussi à ceux qui voient un projet s’effondrer,à ceux qui s’imaginaient déjà parents, mais qu’un avis médical vient soudainement frapper de stupeur.Vendredi saint parle, évidemment, à tous ceux dont un proche vient de mourir.

 Sortir du deuil est possible

Jésus est mis au tombeau. Les évangiles ne racontent pas la résurrection de Jésus. Il semble que peu importe la manière dont cela s’est passé car il n’y a pas une manière unique de ressusciter. Si les évangélistes avaient donné des détails, nous serions tentés d’en faire une recette à appliquer mécaniquement. Or la résurrection n’est pas une méthode de réanimation.Et, pour ma part, je ne pense pas qu’un cinéaste aurait pu filmer un cadavre se relevant et sortant du tombeau où il avait été déposé. Quand l’évangéliste raconte que le ressuscité passe à travers les portes fermées, il trouve là une manière astucieuse de témoigner que le corps de Jésus n’est plus ce qu’il était du temps de sa vie biologique.Des dizaines d’années plus tard, les rédacteurs bibliques attirent notre attention sur l’effet que cet événement a eu sur son cercle proche : plongés dans un profond désarroi, les disciples du moment ont peur et ils se sont enfermés pour se protéger. Des femmes se rendent au tombeau pour embaumer le corps et garder précieusement ce qui leur reste du maître qui leur a fait découvrir ce que vivre veut dire. Elles sont déjà prêtes au culte des reliques et n’ont pas l’intention de laisser les morts enterrer les morts.

Est-ce le jour même, est-ce plus tard, toujours est-il que cette communauté a fait l’expérience que la mort de Jésus n’a pas mis fin à ce qu’il avait incarné. Certes,ils n’auront plus aucun contact physique avec Jésus ;ils ne l’entendront plus s’exprimer comme il le faisait quotidiennement ; toutefois, ses paroles retentissent encore dans leur conscience qui se réveille, qui sort de sa torpeur. En ce sens Jésus n’est plus au tombeau, si nous n’oublions pas que « tombeau », dans le texte grec des évangiles, se dit mnemeion, c’est-à-dire « mémorial,mémoire ». Jésus n’est plus enfermé dans une partie de la mémoire. Disons que Jésus est vivant au même titre qu’une mémoire peut être vive. Cela signifie que Jésus n’est pas à ranger avec les souvenirs d’autrefois,qui prendront la poussière avant de disparaître définitivement.Ce que Jésus a incarné est encore actif et ceux qui ont été ses témoins sont au bénéfice de cela :Marie est ressuscitée ; elle est relevée de sa prostration…elle est même capable d’annoncer aux disciples que son espérance est bien vivante. Deux disciples, en route vers Emmaüs, relisent les derniers mois qu’ils ont vécus à la lumière des Écritures. Et une metanoia s’opère, terme souvent traduit par « conversion », mais qui dit que notre intelligence va plus loin que ce qu’elle faisait jusque là : les disciples approfondissent leur compréhension de l’enseignement qu’ils avaient reçu.Ils sont désormais capables d’interpréter les signes de la vie courante et d’y discerner ce qui va dans le sens de l’existence proposée autrefois par Jésus.

 Une création encore à accomplir

Contrairement à ce qui aura pu être prophétisé,les évangélistes écrivent que Jésus n’est pas ressuscité trois jours après sa mort, mais le troisième jour, ce qui est donc le premier jour de la semaine, notre actuel dimanche. C’est une manière intéressante de dire que Dieu n’en finit pas de créer notre monde, de le rendre plus vivable, de l’arracher au tohu-bohu, le chaos primordial. Le récit de Genèse 1 n’est décidément pas un texte qui raconte l’origine de l’univers, mais le premier jour du reste de notre vie. Le jour du Seigneur est le jour où Dieu entre en scène dans l’histoire, dans notre histoire personnelle, pour nous permettre de nous tenir debout sur les décombres de notre passé et d’en faire quelque chose de vivable. Pâques désigne chaque instant où nous faisons bon accueil à la vie.

Pour les disciples de la première heure, il y a eu une Pâque, ce qui dans la langue hébraïque signifie le passage.À la manière de ce que le peuple hébreu avait vécu lors de sa dernière nuit en Égypte, le pays de la servitude, ils parviennent à effectuer la traversée de cette vie qui n’est que l’ombre d’elle-même. Il est possible de traverser cette vallée où règne l’ombre de la mort, il est possible de dépasser toutes ces situations où nous n’agissons qu’en fonction de la peur, notamment la peur de la mort, mais aussi la peur de perdre une position, une possession, un confort. Il est possible de passer outre cette vie où nous sommes esclaves de nos troubles. Les disciples de la première heure ont pu se mettre à exister au grand jour, en toute liberté, et entraîner d’autres personnes dans leur sillage, et même des personnes très éloignées de leur univers. C’est ce qu’attestera le récit de la Pentecôte. Nous aussi, nous pouvons être affranchis de nos peurs, nous pouvons être libérés des vies étriquées dans lesquelles nous avons été enfermés.

Les disciples vont faire de leur traversée du deuil, un modèle de toutes les traversées dont nous serons nous-mêmes rendus capables. Ils vont devenir les apôtres de Pâques qui proclament qu’il est possible de faire nos choix de vie en fonction de ce qu’il y a de plus désirable et de plus juste, plutôt qu’en fonction de nos peurs.Pâques révèle que ce qu’a manifesté Jésus, l’amour qu’il a incarné, correspond bien à l’espérance de Dieu. En disant que Dieu l’a relevé des morts, les évangélistes disent que Dieu était bien au cœur du ministère de Jésus, que Dieu a bel et bien validé sa prédication et que ses mots peuvent encore nous aider à créer une existence marquée par le bonheur et la grâce. Pâques souligne que Dieu est bien ce qui réinjecte de nouvelles possibilités d’existence quand notre histoire semble à bout de souffle.

 

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

2 commentaires

  1. j-francois.clarin@orange.fr'

    Merci pour toutes ces explications passionnantes. Juste une précision : dimanche n’est pas le premier jour de la semaine mais le dernier.

  2. S’agissant du dimanche, il est le premier jour de la semaine si nous considérons que le samedi, jour du sabbat, est le septième de ladite semaine.

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