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La Pâque des athlètes handicapés

Les XXIIIe Jeux olympiques d’hiver de 2018 se sont déroulés du 9 février au 25 février à Pyeongchang en Corée du Sud suivis deux semaines plus tard des Jeux Paralympiques. Pendant ces deux semaines on a alors beaucoup parlé de la place des handicapés physiques dans la société en valorisant leurs exploits sportifs et le score établi du record de vingt médailles rapportés de cette Olympiade ! Ces handicapés physiques sportifs de haut niveau, véritables athlètes au sens plein du terme, ont été, événement exceptionnel, sous les feux de la rampe médiatique. Car, comme elle l’avait fait pour les Jeux paralympiques de Rio en 2016, la télévision a réalisé des retransmissions en direct de leurs compétitions de manière très significative puisque cent heures leur ont été consacrées par la télévision du service public (France 2). Et du coup on a parlé d’eux ! Handicapés physiques certes, mais il y a aussi les handicapés mentaux, et d’eux l’on ne parle pas. Pourtant ils peuvent aussi avoir une pratique intensive du sport, voire des compétitions de haut niveau.

Alors parlons-en ! Car, hélas, une fois la cérémonie de clôture de Pyeongchnag terminée, il y a bien des chances que tous les handicapés, physiques comme mentaux, retombent dans l’oubli et qu’ils retournent dans l’anonymat, avec toutes les difficultés qu’ils traversent du fait du peu d’améliorations matérielles qui ont été apportées dans leur vie quotidienne pour leur rendre la vie plus facile. On est bien loin des promesses de la Loi Handicap de 2011. Et pourtant l’histoire de la Fédération Française Handisport, rassemblant les sportifs handicapés physiques, peu connue, révèle que tout ne fut pas simple pour en arriver à cette reconnaissance, mais au contraire l’aboutissement d’un combat compliqué. La reconnaissance de cette fédération pour les handicapés physiques aura permis par la suite l’émergence d’une autre fédération de sport pour handicapés mentaux, la Fédération Française de Sport Adapté.

Tout a commencé il y a un peu plus de 70 ans, quelques temps après la deuxième guerre mondiale, un groupe d’amis militaires grands blessés de guerre, prenant conscience de l’isolement et du désœuvrement des grands invalides de guerre de l’Institut National des Invalides, ont décidé « de les mettre sur le stade », afin de les sortir de cet état, et, par la suite, grâce à cette opération, d’aider à leur réinsertion dans la vie sociale, pour leur permettre de reprendre ainsi leur place dans la société. Ce fut une réussite et, dans toute la France, cette initiative s’est développée, débouchant en 1954 sur la création de l’Amicale Sportive des Mutilés de France (ASMF).

Dix ans plus tard, devant l’évolution importante du sport des handicapés physiques est créée la Fédération Française Sportive des Handicapés Physiques (FFSHP). Mais en raison de vives résistances à la nouvelle organisation, seules dix associations rassemblant des sportifs handicapés physiques sur le plan national ont fait vivre la FFSHP. Compte tenu de nombreuses oppositions, hélas liées à des querelles de personnes, cette création fut malheureusement suivie par celle d’une autre fédération, concurrente, et le Ministère de la Jeunesse et des Sports ne voulut reconnaître, à juste titre, que l’existence d’une seule Fédération, la FFSHP. Dans le but de refaire l’unité du monde sportif handicapé, quelques années plus tard, un groupe de travail de six personnes fut alors constitué, qui aboutit en 1977 à la naissance de la Fédération Handisport, seule fédération, reconnue d’Utilité Publique en juin 1983 et membre du Comité National Olympique Sportif Français (CNOSF). C’est cette Fédération Handisport qui représente la France aux Jeux Paralympiques. La pratique des activités physiques et sportives pour les personnes handicapées physiques leur étant bénéfique, des dirigeants d’Handisport pensèrent qu’il devait en être de même pour les handicapés mentaux. Ainsi avec quelques éducateurs et moniteurs sportifs, ils prirent l’initiative d’étudier comment réaliser cette pratique dans une structure spécifique.

La raison de cette démarche était liée au fait que, outre l’expérience qu’ils avaient vécue avec la création d’Handisport, ces dirigeants d’Handisport étaient directement con-cernés par ce problème, car parents d’enfants handicapés mentaux. Ainsi en 1971, la Fédération Française de Sport des Handicapés Mentaux (FFSHM) était créée, malgré l’opposition très vive des parents, des éducateurs, des médecins et des professionnels de sport. Elle reçut pourtant la délégation du Ministère de la Jeunesse et des Sports avec obligation de modifier son titre, et devint alors Fédération Française d’Education par le Sport des Personnes Handicapées Mentales. Cette modification de titre a été imposée parce que les autorités médicales du sport estimaient que la compétition devait être un moyen et non une fin pour cette catégorie d’athlètes. Le sport de haut niveau devait être uniquement réservé à un faible pourcentage de sportifs handicapés mentaux. Quelques années plus tard, cette fédération devint la Fédération Française du Sport Adapté, et intégrait à son tour le CNOSF. Les sportifs handicapés mentaux étaient ainsi reconnus comme des sportifs à part entière.

Le sport est devenu, médiatiquement parlant, une énorme affaire commerciale, et le sport-spectacle, qui a généré le sport professionnel, a favorisé l’émergence de toutes les extravagances y compris financièrement parlant, par exemple par les énormes salaires que certains sportifs professionnels perçoivent, et par les sommes énormes qui sont mises en jeu pour que ce sport-spectacle continue de se développer. Heureusement, il ne s’agit que d’une minorité (mais hélas la plus visible !), et très nombreux sont les pratiquants de sports individuels ou de sports d’équipe, dont nous sommes, qui peuvent s’adonner avec le plus grand plaisir à leur activité sportive préférée, sans rencontrer de difficultés parce que valides. Alors que tous les sportifs handicapés pour pratiquer les mêmes sports dans les mêmes conditions que nous ont dû déplacer des montagnes. Et par la pratique du sport, ils ont vécu une véritable résurrection tant personnelle que sociale : au lieu de se désespérer ou de se plaindre du fait de leur handicap, au lieu de tout abandonner, ils se sont relevés, se sont battus malgré toutes les difficultés qu’ils ont dû rencontrer du fait de leur handicap et ont ainsi pu mener leur rêve jusqu’au bout, vainqueur d’une médaille ou simple compétiteur. Beaucoup d’entre nous seraient incapables de réaliser ce qu’ils font.

Ce témoignage de résurrection n’est pas anodin pour nous dans cette semaine pascale et si ce mot a un sens, une visibilité pour eux, c’est à leur courage, à la confiance qu’ils ont su développer en eux, à leur espérance qu’ils le doivent.

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À propos Bernard Calvino

Né en 1950, Universitaire à la retraite, Professeur de Neurophysiologie honoraire, spécialiste de la douleur.

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