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Le zoroastrisme, une antique lumière qui brille encore

 

Si Zarathoustra nous évoque aujourd’hui un ouvrage célèbre de Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra), ce sage iranien est surtout le père d’une religion apparue quinze ou dix siècles avant notre ère : une foi toujours vivante et dont la sagesse résonne avec modernité aux oreilles de notre siècle. Rencontre avec le mobed Koorosh Niknam.

Quand on lui demande combien de zoroastriens vivent aujourd’hui dans le monde, le mobed (prêtre) s’interroge : les zoroastriens sont-ils ceux qui se revendiquent comme tels ou ceux, peu importe leur « étiquette » spirituelle, qui respectent les principes défendus par Zarathoustra ? Ce dernier n’a jamais incité au prosélytisme et le zoroastrisme n’a jamais été une religion missionnaire.

Sur le strict plan de la statistique religieuse, le zoroastrisme n’est pas comptabilisé par l’UNESCO dans son recensement puisqu’il faut pour cela atteindre le seuil d’un million de fidèles, seuil que le zoroastrisme avoisine sans le dépasser.

Le zoroastrisme – les Grecs nomment son fondateur Zoroastre – est un monothéisme parmi les plus anciens, avec le judaïsme. Le dieu unique s’y nomme Ahura Mazda : il ne s’agit pas d’une divinité active dans l’Histoire et Zarathoustra n’est ni élu ni envoyé. Ahura Mazda n’intercède pas, n’agit pas, il n’est pas présent dans ce monde car il est ce monde : il est l’état suprême de conscience du monde auquel les hommes peuvent accéder.

Un seul dieu, un seul monde

L’unicité divine est reflet de l’unicité du monde dans lequel nous vivons. Cette conscience totale du monde est le cœur de la foi zoroastrienne ; la conscience humaine est la part de divin de ce monde mortel.

La réforme spirituelle de Zarathoustra n’est pas un don céleste et ses écrits ne lui sont pas divinement dictés : l’intelligence, voilà le don d’Ahura Mazda et le fondateur du zoroastrisme n’a pas été mené à ses conclusions par inspiration mais par réflexion personnelle et conversation avec le monde.

L’humain, collaborateur de l’universel

Dans cet univers, la place de l’homme doit être celle d’un collaborateur respectueux : la nature a des lois qui nous échappent et ne dépendent pas de nous. Le monde serait monde sans l’homme.

Cette loi organisatrice est appelée asha. L’homme peut la respecter – protégeant et bonifiant le monde – comme il peut la rejeter – se faisant source de dérèglements et de malheurs. En ces heures d’urgence climatique, quel prodigieux écho.

L’humain est la part d’inattendu d’un cosmos régi par des décrets immuables et intangibles : la part d’audace, d’initiative et de liberté qui peut mener au meilleur – le collaborateur paisible car conscient – comme au pire – le despote destructeur.

De cette foi découle la centralité du feu dans la symbolique zoroastrienne. Ni la terre ni l’eau ni l’air n’ont besoin de nous pour être et demeurer mais le feu, s’il existe sans nous, se maintient par nous. Sans l’homme, le feu s’épuise. Ce feu sacré qui ne s’éteint pas, placé au centre des temples zoroastriens, est la métaphore de cette collaboration entre l’homme et l’univers : le feu s’éteint sans l’homme mais que serait l’homme sans feu ?

Une liturgie poétique et lumineuse

Le rapport au monde d’une humanité libre et consciente est le pilier principal du zoroastrisme. Sa liturgie s’en fait le témoignage. Dans leurs temples, les zoroastriens réunissent souvent les quatre éléments. Ils leur rendent hommage en priant autour d’eux et en les nourrissant : le feu par le bois, la terre par les graines, l’air par les parfums. Quant à l’eau, ils y versent du lait, considéré comme nourriture universelle.

La lumière et le feu étant centraux, les zoroastriens prient dans leur direction. Ils professent aussi un attachement à la joie et aux couleurs. Si sur le plan vestimentaire le zoroastrisme pratique le voilement des femmes – l’habit traditionnel étant une robe surmontée d’un foulard, sorte de hijab moins couvrant – ces habits sont toujours de couleurs vives : verts, blancs, bleus, jamais noirs. Le prêtre lui-même n’est jamais habillé d’autre couleur que de blanc, funérailles incluses.

Le rite zoroastrien n’est pas un héritage direct de Zarathoustra, peu prolixe sur la question, mais davantage de l’ère sassanide (254 – 661 ap. J.C.), dernière dynastie impériale de l’Iran pré-islamique. La méthode de prière vient notamment de cette période, avec cinq prières quotidiennes – comme l’islam.

De même, leur livre sacré – l’Avesta – est un assemblage successif de divers textes – avec les Gathas, paroles de Zarathoustra, en son centre – aujourd’hui pratiqué liturgiquement par les prêtres à travers une compilation sassanide, le « petit » Avesta. Ces textes sont rédigés dans une antique langue iranienne, l’avestique, dans laquelle les prêtres prient.

Ces derniers ne sont pas des intermédiaires entre la communauté et le divin : les mobeds zoroastriens sont, comme les pasteurs protestants, distingués au nom de leurs études, de leur connaissance de la religion et de la philosophie, et non d’un statut sacral différent.

Une foi en la liberté humaine

Plusieurs fois au cours de notre entretien, le mobed Niknam aura insisté sur une notion centrale : la liberté. La foi zoroastrienne étant bâtie autour d’un accès par l’intelligence humaine à une conscience globale du monde, l’obligation et la contrainte lui sont des notions étrangères. Rites et fêtes doivent être accomplis en liberté car la foi doit être conscience. Le triptyque « bonne pensée, bonne parole, bonne action » rythme la foi zoroastrienne : toutes doivent être le fruit d’une réflexion et d’un choix.

Embrasser la foi de ses parents et de ses ancêtres n’est ainsi aucunement obligatoire et le rite d’entrée dans la foi zoroastrienne n’intervient qu’à un âge où l’individu est considéré comme suffisamment mûr pour ce choix (traditionnellement entre 12 et 20 ans). Cette cérémonie, le sedreh pushi, consiste en un geste simple : les nouveaux croyants portent une chemise blanche spécifique et le prêtre noue une cordelette autour de leur taille.

Trente années vers la lumière

A l’occasion d’un décès, les cérémonies traditionnelles sont particulièrement fortes de sens. Si pour Zarathoustra l’homme est autant corps qu’esprit, après la mort le corps n’a plus d’importance : il faut s’en débarrasser, peu importe la méthode (dans l’Antiquité, il était déposé au bon vouloir des vautours dans les « tours du silence »). L’esprit demeure lui dans le monde des vivants pendant trente ans, accomplissant par étapes successives un chemin de purification vers un état final de pure lumière.

Pendant cette période, chaque année, à la date du décès, une cérémonie est organisée  : on amène des portraits du défunt et sa famille prépare de la nourriture offerte au partage. Des actes de charité sont aussi effectués au nom de l’esprit commémoré, afin de faciliter son chemin vers la lumière.

Au trentième anniversaire, une grande et ultime cérémonie a lieu : l’esprit est désormais pure lumière. Une liturgie tout entière tournée vers la célébration de la vie accomplie de ceux partis et de la vie à accomplir de ceux qui restent.

Les zoroastriens aujourd’hui

En Iran, la religion zoroastrienne est autorisée, leurs cérémonies et leurs croyances ne sont pas interdites, mais seuls ceux nés de parents zoroastriens peuvent pratiquer cette foi : il est interdit à un non-zoroastrien de se joindre à leurs rites et les conversions sont interdites car elles reviendraient à renier la foi musulmane, l’apostasie étant sévérement condamnée.

Face à cette mise à l’écart feutrée, les zoroastriens n’iront pas chercher une réponse dans la violence : au nom de la suprématie de la conscience et de l’intelligence, Zarathoustra a condamné jusqu’à la simple création des armes. L’être humain est doué d’une arme pacifique : la communication. Seul le dialogue peut changer le monde sans le briser, telle est la leçon de la foi zoroastrienne face aux complexités de la société humaine.

* Cet article est issu d’un entretien cordialement accordé le 27 juin 2017 par le mobed Niknam, prêtre zoroastrien, et son fils, qui nous a servi d’interprète franco-persan : je leur adresse ma très affectueuse reconnaissance pour leur accueil et leur disponibilité.

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À propos Maxime Michelet

est étudiant, diplômé d’un master d’Histoire contemporaine à la Sorbonne ; issu d’une famille de tradition athée, il a rejoint le protestantisme libéral à l’âge adulte à travers le temple de l’Oratoire du Louvre de Paris.

Un commentaire

  1. cedric.blandin@gmail.com'

    Bonjour, deux petites questions :
    Si les conversion sont interdite en Iran, sont-elles autorisés en Inde ?
    Et je me pose la même question pour assistance d’un non zoroastrien aux cérémonies.

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