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« Qui étais-je pour interpeller un chef d’État ? »

 

« J’ai le sentiment que la vie est importante dans la mesure où elle est une vie de relations. » Militante de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Florence Couprie a toujours voulu créer du lien entre les hommes. En 15 ans d’engagement, elle a tout fait, ou presque, à l’ACAT ; elle endosse, depuis avril 2017, le rôle de présidente au sein de cette association œcuménique qui lutte contre la torture et la peine de mort.

Tout commence en 1968. Florence Couprie se lance dans le militantisme et rédige son premier courrier à un chef d’État. « Crainte et tremblements » : c’est en ces termes qu’elle parlera, plus tard, de ce que provoque en elle cette action militante fondatrice. « C’était un battement de cœur. J’avais le sentiment de devenir une adulte qui décide d’agir par elle-même, explique-t-elle. Qui étais je, moi, pour interpeller un chef d’État ? Mais qui serais-je, moi, si je me taisais ? » Du haut de ses 17 ans, Florence Couprie a déjà conscience de la souffrance du monde. Une sensibilité qu’elle tire de son éducation religieuse au temple, qu’elle fréquente assidûment. « Dans l’éducation protestante, les jeunes sont éduqués à être responsables, à s’ouvrir et à essayer de réfléchir. »

 Décision logique

Plus tard, Florence Couprie poursuit son engagement, notamment dans la sphère professionnelle en tant que déléguée du personnel.  « J’avais ce désir d’être là et de travailler à résoudre les problèmes, ensemble. » À la fin de sa carrière, elle suit des études de théologie et devient pasteur de l’Église réformée. C’est là qu’elle intègre l’ACAT. « L’ACAT portait cette idée que nous sommes privilégiés alors qu’ailleurs, des gens se font tuer car ils veulent exercer leurs droits, explique-t-elle. Parmi les militants, chacun a son savoir-faire. Ceux-ci sont tissés en un maillage solide, efficace pour faire abolir la peine de mort et la torture. »

Sa profession de pasteur et son militantisme s’entremêlent. Elle y trouve ce qui la pousse à agir : la lutte contre l’injustice et les relations humaines. « Être pasteur, c’est animer une communauté de personnes qui vivent leur foi ensemble alors que leurs chemins de vie sont si différents, voire opposés. » Dans le Jura, elle participe au groupe local ACAT de Lons-le-Saunier, qui correspond avec un condamné à mort américain. Encore aujourd’hui, ce type d’action est au cœur du mandat de l’ACAT, qui compte 190 correspondances actives avec des détenus des couloirs de la mort. Par la suite, elle milite dans l’Allier, au sein des groupes de Vichy et de Montluçon, qui privilégient la sensibilisation des acteurs politiques locaux, et au sein d’établissements scolaires. Après ces expériences locales, elle rejoint la région parisienne. La suite de son parcours est connue : elle intègre le Bureau, puis le Comité directeur de l’association, devient élue dédiée à la Vie militante et enfin, présidente.

 Religion et humanisme

La foi, l’autre et les droits de l’homme : un triptyque qui résumerait parfaitement la pensée de Florence Couprie. La foi, c’est « [son] moteur, [son] carburant » qui ne peut prendre corps sans relations humaines. « Suivre le message du Christ et Dieu se fait dans nos relations avec les autres. Non pas en imposant quoi que ce soit, mais en essayant d’entendre l’autre. » Les droits de l’homme, c’est ce qui protège la dignité et la part de mystère que Dieu a placées en chaque être humain. « L’homme est toujours le même, enfant de Dieu, frère de Christ, quelle qu’ait pu être sa vie. Sans jugement, aucun, je veux affirmer qu’il est humain, digne de l’amour de Dieu. Qui serais-je, moi, pour accepter qu’il soit cassé, torturé, tué, déchu de toute dignité ? »

Quand on l’interroge sur les enjeux à venir pour les défenseurs des droits de l’homme, Florence Couprie insiste sur le rôle de « veilleur » et sur la nécessité de « casser les peurs qui engendrent la haine et la fermeture des frontières ». Et surtout, cette envie, toujours aussi profonde, de rester « ensemble », de « savoir discuter et se disputer, sans rejeter l’autre ». Nul doute que cette conviction irriguera la présidence de Florence Couprie. Car depuis son entrée dans la vie adulte, c’est sa manière à elle « d’apporter un peu d’harmonie au monde ».

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À propos Anna Demontis

est journaliste et travaille depuis quatre ans dans le domaine des droits de l’homme et de la solidarité internationale. Depuis septembre 2016, elle est chargée de réaliser le Courrier de l’ACAT, revue bimestrielle de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.

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