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Le père de l’école laïque

 

Dans une biographie passionnante, Patrick Cabanel sort d’un oubli relatif la figure hautement symbolique de Ferdinand Buisson (1841-1932). Symbolique de la lutte pour l’école laïque, celle que ses adversaires qualifiaient de « sans Dieu » alors que loin d’être athée, Buisson ne tombera jamais dans les outrances d’un anticléricalisme de principe. Protestant libéral, il rêve d’une Église dont le fondement serait l’amour de l’humanité. Il fustige tous les dogmatismes et fait de Calvin sa tête de turc en lui opposant Castellion. À l’instar de Stefan Zweig, il est permis de douter de son objectivité historique, mais pas du caractère bien trempé de certaines formules : « Savez-vous de quel jour date la séparation du protestantisme orthodoxe et du protestantisme libéral ? Ils se séparent au pied du bûcher de Michel Servet. »

Inspecteur emblématique de l’enseignement primaire de 1872 à 1886, il mettra toute son énergie à la construction de l’édifice républicain. Président de l’association nationale des libres penseurs de France, il est persuadé que la véritable religion consiste à démonter les fausses assurances des systèmes théologiques et comprend que c’est bien dans le monde séculier que le religieux doit porter ses fruits. Visionnaire, il est en avance sur son temps lorsqu’il parle de laïcisation de la religion dans une France encore largement marquée par le catholicisme. Dreyfusard sur le tard, il se lance dans une carrière politique féconde et cherche à passer d’une république de combat à une république sociale. En 1914, Buisson se range parmi les patriotes et devient une des grandes voix de l’Union sacrée. Il voit, dans la résistance acharnée de l’armée française, la victoire d’une école qui a formé des citoyens soldats. On sent passer le souffle de l’esprit de Valmy et de Verdun jusque dans les salles de classe des campagnes les plus reculées. Patriote actif, il n’en poursuit pas moins son idéal de toujours, la paix entre les peuples, cet autre combat sera couronné par le prix Nobel de la Paix en 1927. En montrant les enjeux d’une époque charnière, le livre de Patrick Cabanel va au-delà d’une biographie qui se limiterait à replacer l’action d’un homme dans l’histoire, il interroge notre présent et pourrait bien éclairer certains défis du futur.

Patrick Cabanel, Ferdinand Buisson. Père de l’école laïque, Labor et Fides, 2016, 547 pages.

 

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À propos Philippe Aubert

est pasteur de la paroisse Saint-Paul à Mulhouse.

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