Des électeurs de gauche qui votent à une primaire de droite (moi par exemple). Ou l’inverse. Des écolos qui soutiennent Mélenchon et des Frontdegauchiens qui font campagne pour Jadot (moi aussi). « Ce n’est pas bien ! », « Vous êtes infidèles ! », « Vous n’y pensez pas ! ». Et pourquoi non ? Au nom de quoi ? Version catho : « Quand on est d’une Église, on n’en change pas ! Fidèle jusqu’à la mort même si on n’est plus d’accord avec rien. » Version protestante : « Une parole donnée est donnée, une parole trahie est une hérésie. » (La seule en protestantisme).
Ne voyez-vous pas que c’est un piège ? Les puissants de la politique, eux, reviennent sur leur parole immédiatement élus, changent d’Église comme de crémerie, y trahissent tout sans rien demander à leurs soutiens. Mais exigent de leurs électeurs qu’ils leur soient toujours fidèles. Comme dans la bonne vieille morale conjugale bourgeoise : l’homme virevolte, la femme garde le foyer. C’est tellement plus pratique un marché captif ! On peut faire le contraire de ce qu’on a dit, oublier toute morale et à la fin exercer un chantage : « Vous n’allez pas faire le jeu de l’ennemi ! Face à l’extrême droite, faites barrage ! La droite, c’est quand même pas comme la gauche ! » Et si les électeurs ne sont pas fidèles, gare à la stigmatisation : électorat volatile (« bêtes comme des poules ! »), inconséquent… pourquoi pas volage ! Discours sexiste où le politique est un homme et les citoyens des femmes…
Mais après tout, les partis politiques ne sont pas une Église, et l’institution Église n’est pas l’Église du Christ, invisible, indéfinissable, symbolique, mystique… La parole n’est tenue que par Dieu à chacun, par chacun à Dieu et à qui chacun décide. La promesse, disait Ricœur, est une manière de se rassurer face à l’avenir (et le pardon à se libérer du passé), pas d’enfermer dans la fatalité, le fatum. En christianisme, l’avenir est destinée, faite de mille embranchements possibles où se croisent les choix de l’humain et les obstacles renversés par Dieu. Fidélité d’abord à soi, à ce qu’on croit au-delà des étiquettes. Et à Dieu seul, avant tout.
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