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Exil

 

Ma jeunesse a pris fin à Assiut en Égypte en 2007 quand mon ami d’enfance, amoureux de ma cousine maternelle, a souhaité la voir à la maison pour souhaiter bonne fête à maman. Celle-ci a d’abord refusé par peur de mon père puis elle a accepté. J’ai accueilli mon ami dans la pièce traditionnelle des hommes, les ai laissés ensemble avec ma petite sœur, moi avec maman. Mon père arrive avec deux copains, me brutalise violemment. Maman s’évanouit, il lui donne un coup de pied. Habitué à la violence paternelle, mon frère court chercher de l’aide chez ma grand-mère et mon oncle paternel. Celui-ci donne raison à mon père : selon la tradition, la rencontre est une honte pour la famille, j’en suis le responsable. Mon père demande le couteau d’égorgement pour laver l’honneur et me tuer. Maman me permet de fuir chez ma grand-mère qui me donne l’argent pour m’échapper au Caire chez mon oncle maternel. Il me protège et m’inscrit à l’université Al- Azhar. L’angoisse d’être retrouvé m’oblige à fuir mon pays pour ne pas mourir. N’ayant pas fait mon service militaire, par choix, ce qui est aussi une honte, je ne peux obtenir mon passeport. Ma seule issue est de fuir par la Libye ou l’Italie. Le contexte me fait choisir l’Italie. Mon oncle paie 3 000 dollars aux passeurs pour éviter l’embarcation dangereuse. La mafia des passeurs me fixe un rendez-vous clandestin. Caché à l’hôtel on me contacte pour que, de nuit, avec un mot de passe, je rejoigne le navire de commerce. Nous sommes quatre-vingts sur la plage où nous attendent les passeurs, armés de kalachnikovs. Nous devons rejoindre le bateau à la nage ou mourir sous les balles ! Certains ne savaient pas nager… Le soi-disant navire est un rafiot qui très vite tombe en panne. Nous voulons retourner, les passeurs refusent, nous transbordent, l’un de nous meurt écrasé entre les deux coques. La traversée devait durer cinq jours, mais d’un accord entre mafias égyptienne et italienne, elle dura 14 jours avec quelques biscuits et des morceaux de pain de glace. J’arrive sur la côte sicilienne. Je pars seul, épuisé, affamé, perdu. Un Italien devine ma détresse, me recueille, m’ouvre son frigo : je dévore. Il me donne un vêtement propre. Je peux enfin dormir. Généreusement, il m’offre un billet de train pour Rome. À la gare, je me débrouille pour prendre un train pour Milan. J’y croise un Égyptien qui m’héberge pour trois mois ; je reprends contact avec mon oncle qui me dit de passer en France pour rejoindre une de ses connaissances à Paris. Je subis trois refoulements par la police, traverse de nuit, clandestinement, la frontière. Ça recommence. Nouvelle mafia : contre 200 euros on me propose de passer en voiture, accompagné. Nouvelle arrestation, je me fais tout voler par le passeur, surtout mon billet pour Paris, mais faute de place en centre de rétention on me relâche. À Nice j’essaie de rencontrer quelqu’un qui parle arabe. Après plein de péripéties mais aussi de chance : Paris ! J’y suis. Malgré la promesse faite à mon oncle, « l’ami » m’héberge un jour dans un squat. C’est l’hiver. Pas de connaissance. Je vais vivre dans une cave trois mois. Des petits boulots, souvent non payés. Je suis désespéré. Une petite lumière : je peux enfin être hébergé pour un an chez un Égyptien, trouver des boulots sans papier, louer une chambre où nous sommes quatre… Mais je suis vivant.

Ma vraie chance est d’être mis en relation avec la Clairière où j’apprends enfin le français. J’y rencontre une équipe dynamique et engagée dans le christianisme social. Pierre, mon formateur est devenu mon ami, mon père aussi, un peu. Il me fait connaître ses pasteurs, James, Laurent, ses amis. Je ne suis plus seul, perdu. Mon exil est moins douloureux. J’essaie d’obtenir ma régularisation par un avocat. Ceux qui m’entourent me disent que j’ai la Vie devant moi…

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