Né en 1901 à Paris, d’une mère catholique et d’un père réformé, Albert- Marie Schmidt fait ses humanités au lycée Condorcet où il a pour condisciples Jean Tardieu, René Pintard et le futur Lanza del Vasto, qui le décrit comme un jeune homme « précieux et prétentieux dans son langage et dans ses gestes » ayant « tout lu, ni plus ni moins ». Il semble en effet que, dès l’enfance, Schmidt soit dévoré par une curiosité qui ne le quittera jamais. Brillant mais peu scolaire, il échoue aux concours de l’École normale supérieure et de l’agrégation de Lettres. Pourtant, la haute qualité de ses recherches universitaires lui vaudra d’accéder à la maîtrise de conférence puis au professorat, à Caen d’abord, à Lille ensuite, après une période à Marburg où il sera l’un des disciples de Leo Spitzer. Ses amitiés intellectuelles, après sa rencontre avec André Gide, le feront assister aux Décades de Pontigny, où il se liera avec François Mauriac, Roger Martin du Gard et Jean Schlumberger. Il passe un temps par la très barthienne revue Hic et Nunc. À la fin de sa vie, il sera, aux côtés de Raymond Queneau, l’un des créateurs de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle).
Il meurt prématurément en 1966, renversé par une camionnette – quatorze ans avant Roland Barthes.
L’œuvre d’Albert-Marie Schmidt est d’abord une somme de claire érudition, servie par un style travaillé qui hérite de la sophistication de l’époque baroque autant que de la verdeur rabelaisienne. Spécialiste du XVIe siècle, il s’attache à faire lire et comprendre la poésie scientifique de cette période. Il multiplie les éditions savantes, mais sans austérité, d’Agrippa d’Aubigné ou de Marguerite de Navarre en prenant soin de les replacer dans leurs filiations respectives. À sa façon, il représente aujourd’hui l’homme de la Renaissance, savant respectueux de ses maîtres et ouvert à la modernité. Cette soif de découverte l’animera lorsque, devenu critique littéraire à Réforme, il fera découvrir de jeunes auteurs dont la presse ne parle guère.
Un rapport strictement individuel à Dieu
Mais son maître ouvrage reste son Calvin, paru en 1957 et constamment réédité. Ce huguenot convaincu tente d’y brosser un portrait moins austère du Réformateur. Il le rend plus humain et surtout le situe dans le contexte intellectuel du temps. Ainsi, sa théologie devient plus humaniste et accessible à chacun. Car, tout en se défiant du libéralisme radical, Schmidt conçoit la foi comme un rapport strictement individuel à Dieu, où se déploie irrésistiblement la liberté de la grâce. Il se défie des dogmes et, pour mieux approfondir sa spiritualité, il pratique, selon Robert Amadou, « une théosophie calviniste ». À côté des grands noms du protestantisme, il se passionne pour les grandes figures de l’ésotérisme et consacrera des études à Paracelse ou à la Mandragore. Ainsi, il prend place aux côtés de Johann Valentin Andreæ ou Jung-Stilling.
Fidèle aux idéaux de la Réforme, il fait donc accéder le lecteur à un savoir généralement réservé à un public restreint. Cette érudition doit s’affranchir de tout dogme, non pour aboutir au scepticisme, mais pour affermir une piété enfin débarrassée de tout appareil ecclésial sclérosant. Attaché à la rigueur du texte et à la liberté, Albert-Marie Schmidt est en cela bien protestant.
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