Je suis assis dans le métro. À côté et en face de moi, cinq jeunes filles en fleurs, élégantes ; l’une d’entre elles lit un livre de la collection « Champs » chez Flammarion. J’essaye en vain de voir s’il s’agit du livre sur le protestantisme que Raphaël Picon et moi y avons publié… Tout à coup, la voix d’un garçon au téléphone retentit très fort. La voix est jeune. L’inconnu que nous ne voyons pas parle, comme c’est souvent le cas, le casque sur les oreilles. « Oui, mon amour. J’arrive, mon amour. Ma batterie est à plat. Au revoir, mon amour. »
Les jeunes filles et moi nous nous regardons plus réjouis que gênés (comme cela arrive). Cette conversation est en effet rafraîchissante. L’inconnu n’a pas remarqué qu’une bonne partie du wagon l’entendait. Nous parlons à voix basse. Une des jeunes filles plaisante : « La batterie, la batterie, quelle batterie ? » Je déclare : « Espérons qu’elle ne sera pas à plat quand il retrouvera son amour. » Une jeune fille : « On sait bien que l’amour rend sourd. » Rires. Une autre : « Cela dit, elle a bien de la chance. » J’ajoute : « Qu’en savez-vous ? » Les regards étonnés m’interrogent. Je précise : « “Elle” a bien de la chance ! C’est peut-être “il”. » La jeune fille en face de moi qui, jusque-là, n’avait rien dit ni rien manifesté se met à rire de bon cœur ; les autres sourient
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