Dans les milieux piétistes, la crainte de Dieu est présentée comme une valeur spirituelle positive. Elle signifie le respect, l’inclination, la prudente réserve qu’il nous faut observer, en tant qu’êtres pécheurs, devant la magnificence de Dieu. Ainsi définie, la crainte de Dieu constitue la version chrétienne d’une attitude que l’on retrouve universellement dans l’esprit religieux. Elle décrit la condition de vassalité de l’être humain face à l’Ultime. Dans ce sens, il me paraît infructueux de prétendre nous en abstraire.
Il s’agit pourtant de nous libérer de certaines manières asservissantes de craindre Dieu, qui assombrissent la vie spirituelle au lieu de l’éclaircir. L’enfermement dans une obsession du devoir religieux est peut-être la plus caractéristique. La Réforme du XVIe siècle, et le protestantisme à sa suite, sont avant tout dirigés contre ce fléau. Manquer le culte, négliger la prière quotidienne, quitter l’austérité et voici que la culpabilité apparaît, dévaluant l’image de soi. La spiritualité est alors piégée dans une monotonie obligatoire. Ni le culte ni la prière ne sont ici en cause, mais notre lien subjectif à ces pratiques !
Un autre aspect fâcheux de la crainte de Dieu consiste en l’inquiétude que cette notion suggère. La culpabilité entraîne le jugement et le jugement la peur. Puis la spirale de l’échec ne nous lâche plus. Pour en sortir, il s’agit de revoir la spiritualité à partir de la conviction que Dieu accepte nos insuffisances. La véritable crainte de Dieu consiste en la reconnaissance de sa grâce et non en l’espoir de nos mérites. Par-delà les nœuds enchevêtrés de notre personnalité, l’élan créateur nous entraîne vers un chemin ouvert.
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