L’aumônerie aux aéroports

Avez-vous déjà visité près de Paris cette ville de 62 millions d’habitants qui s’étend sur 3 000 hectares ? 90 000 salariés y travaillent pour accueillir des habitants qui ne sont que de passage, on les appelle passagers. L’aéroport Roissy Charles de Gaulle a tout d’une ville : on y trouve tous les moyens de transport, des hôtels et des commerces, un bureau de poste, un commissariat, un hôpital, des entreprises et des bureaux avec leur cafétéria, on y trouve même des souvenirs. Rien de surprenant d’y voir des lieux religieux, ouverts non seulement à ces habitants de passage qui restent parfois de longues heures à attendre, mais aussi au personnel aéroportuaire.

Pour accompagner toute une journée l’aumônier protestant*, il ne faut pas oublier ses chaussures de marche. Les allées sont des routes, les escalators des chemins, les couloirs n’en finissent pas, les ascenseurs font perdre tout repère. Pierre de Mareuil m’attend un matin à l’un des espaces interreligieux ouverts de 6 h à 23 h car à ville atypique, horaires atypiques. Si l’on ne se perd pas et en prenant des raccourcis grâce au badge magique, il faut quand même une heure pour relier les trois espaces proposant chacun trois lieux de prière pour les confessions chrétienne, juive et musulmane. La signalétique indique espace de recueillement, avec le pictogramme figurant un orant, celui de l’IACAC, l’association internationale des aumôniers de l’aviation civile. L’endroit n’est pas vraiment une église ou un temple, ni une synagogue ou une mosquée. On peut y prier ou simplement y trouver le silence, si rare dans un aéroport, y lire les magazines proposés par les trois confessions, discuter dans le bureau de l’aumônier. L’espace interreligieux répond parfaitement à la nature cosmopolite de l’aéroport et fait figure d’exemple, dans sa banalité et sa simplicité, par la coexistence paisible et fructueuse des confessions, respectée par les passagers et le personnel aéroportuaire. Le dialogue est permanent entre aumôniers et l’esprit d’ouverture indispensable pour exercer un tel ministère. Le café du matin partagé avec un prêtre aumônier catholique et le déjeuner avec l’un des aumôniers musulmans nous font découvrir la grande histoire, et les petites, de cette aumônerie assez récente et méconnue.

Le travail d’un aumônier aux aéroports n’est pas circonscrit à cet espace interreligieux symbolique, bien au contraire. Pierre de Mareuil a résolument fait le choix d’aller à la rencontre des passagers, en étant le plus visible possible au milieu d’eux, à l’aide du gilet réfléchissant ou d’une croix apparente, quitte à cléricaliser la fonction. Il organise des accueils spécifiques lors d’événements particuliers, la venue d’une délégation religieuse ou tout simplement d’un groupe qui prévient de son passage. L’aumônier a accès à la zonesous douane et aux bureaux d’Aéroports de Paris dont le personnel est invité à une étude biblique mensuelle. Pierre de Mareuil a proposé récemment des concerts de musique dans l’enceinte de l’aéroport.

Les aumôniers peuvent être demandés à l’hôpital par des malades et leurs proches. Ils sont aussi inclus dans le dispositif mis en place en cas de catastrophe aérienne ; l’aumônier « de garde » est chargé de coordonner ses collègues et tous sont formés à l’organisation des secours.

Ministre de l’instant, l’aumônier introduit de l’inattendu dans le travail des salariés et le voyage des passagers. Comme dans les autres ministères qui s’exercent dans un lieu public, l’aumônier aux aéroports se situe particulièrement à la frontière, entre une modernité profane radicale et la persistance du sacré, entre le témoignage de foi et le dialogue interreligieux.

* En France, trois aéroports proposent une aumônerie : Roissy Charles de Gaulles, Orly et Nice. Aéroports de Paris qui salariaient autrefois les aumôniers verse maintenant une subvention, dans le cadre d’une convention triennale, aux institutions qui salarient elles-mêmes les aumôniers, et met à disposition de ces derniers un bureau tout équipé. La commission de l’aumônerie protestante aux aéroports de la Fédération protestante de France a choisi le pasteur baptiste Pierre de Mareuil pour un ministère à temps complet.

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