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Un christianisme raisonnable

Beaucoup trop de personnes se sont éloignées du christianisme parce que, à leur avis, il est trop imprégné d’une pensée fantastique, irréelle, basée sur des phénomènes surnaturels qui ne sont plus crédibles à notre époque. Donc, pour elles, cette religion ne sert plus à rien. Ces personnes sont en très grand nombre. Il faut leur montrer que le christianisme ne s’oppose pas à la raison, bien au contraire ! Et qu’il est encore indispensable à notre monde. Qui peut le faire, mieux que les libéraux ?

  Mais commençons par rappeler, à notre manière, les vertus du protestantisme libéral. Il ne serait pas excessif de dire qu’il en existe autant de formes que nous pouvons compter de protestants libéraux, puisque justement ceux-ci sont libres de penser ce qui leur semble bon et ne sont pas encadrés par une doctrine dominante. Cependant nous retrouvons, de l’un à l’autre, certains traits communs, dus au fait que la Bible est au centre de leur conception du christianisme, et qu’une compréhension honnête et rigoureuse du sens des écrits qu’elle contient ne permet pas d’accepter toutes les spéculations auxquelles se sont laissé aller les Églises

Voilà deux points de repère solides. Évangile, parce que c’est notre racine culturelle, prise au sens large de toute cette bonne nouvelle qui nous est transmise, depuis des temps immémoriaux, par la Bible, et qui fut revigorée par un certain Jésus de Nazareth. Liberté parce qu’il est devenu absurde, à notre époque, de vouloir imposer une manière de croire. L’histoire nous montre d’ailleurs, à l’extérieur ou à l’intérieur du christianisme, que ceux qui ont voulu imposer des croyances, étaient en fait trop souvent guidés par des arrière-pensées de pouvoir. La liberté de penser va avec la liberté tout court. Elle permet à la pensée religieuse de suivre l’évolution de la culture et des connaissances, et de s’y adapter. Si la pensée est enfermée dans des dogmes, formulés il y a de nombreux siècles, une fois pour toutes et valables quels que soient les lieux et les temps, elle ne peut plus parler à ceux qui vivent aujourd’hui.

  En effet, pour que la réflexion religieuse puisse ne pas être décalée par rapport à la culture contemporaine, il faut qu’elle soit libre de progresser, de s’adapter au déroulement du temps qui nous conduit à modifier sans cesse notre vision du monde et des hommes. Ellene doit pas rester attachée à des formulations qui ont eu leur utilité à une certaine époque, mais qui ne sont plus compréhensibles aujourd’hui, et qui d’ailleurs ont parfois des racines bibliques extrêmement discutables.

  Dans le domaine religieux, il n’existe pas de vérité absolue, de vérité valable en tout temps et en tout lieu. Le premier théologien chrétien, l’apôtre Paul, a écrit des lettres de circonstance. Elles répondaient en général à des questions précises posées par ses correspondants. Paul ne voulait pas formuler des vérités valables pendant des siècles, pour la simple raison qu’il pensait la fin du monde imminente. Parfois d’ailleurs, d’une lettre à l’autre, il s’est contredit. Et aujourd’hui, certains font de tous ses écrits des vérités absolues. Voilà de quoi décourager beaucoup de personnes raisonnables. Les vérités sont relatives, attachées à une culture, à une époque, à des individus qui peuvent se tromper, à des croyances elles-mêmes fluctuantes et incertaines. Le christianisme a beaucoup trop absolutisé la pensée, poussé les affirmations jusqu’à des extrêmes qui ne sont plus crédibles.

  Je visitais récemment une église et je lisais sur un mur que Jésus n’avait jamais péché. Cela est effectivement un dogme, s’appuyant sur quelques phrases de l’apôtre Paul. Mais qu’en savait-il, Paul, puisque justement il n’a pas connu Jésus et n’était pas préoccupé du tout de savoir ce qu’avait été sa vie ? Soyons raisonnables. Paul n’a jamais rencontré Jésus en chair et en os et ne l’a pas suivi à la trace pour vérifier que, de temps en temps, il ne péchait pas. Où les évangiles qui, eux, parlent du Jésus terrestre, nous disent-ils cela ? Les Églises ne devraient pas affirmer ce qui, par la nature des choses, est très discutable.

  La théologie libérale est qualifiée aujourd’hui par ses adversaires de « relativisme ». Parce que plus rien n’est sûr et que les grandes vérités de toujours sont relativisées : la résurrection des corps, la divinité de Jésus, l’existence de l’enfer, la toute-puissance de Dieu, son incompréhensible besoin de verser le sang de son fils pour sauver l’humanité, etc. Ils ont raison, ces adversaires, pour une fois ! Le libéralisme consiste à relativiser, à ne pas considérer comme vérité première ce que Jésus n’a jamais dit. Dieu lui-même est relatif. C’est-àdire que la manière de le penser, de parler de lui, est relatif à l’époque, à la personne qui s’exprime. Dans la Bible d’ailleurs, il existe une quantité innombrable de visages de Dieu.

Dans le domaine religieux, il n’existe pas de vérité absolue, de vérité valable en tout temps et en tout lieu.

La liberté de penser était bien une exigence fondamentale des Réformateurs. Mais, la réclamant pour eux-mêmes, ils ne l’ont pas toujours laissée s’épanouir chez leurs contemporains. Aussi faut-il être vigilant et veiller très scrupuleusement à la liberté de penser pour les autres. Je respecte donc les idées sur le christianisme qui ne sont pas les miennes, qu’elles soient protestantes dites « évangéliques » ou issues des branches plus anciennes du christianisme. Mais je défendrai jusqu’au bout l’idée qu’il doit y avoir aussi de la place, au sein de la grande nuée des chrétiens, et donc dans l’Église, pour ceux qui ne veulent pas abandonner la raison lorsqu’ils écoutent le message chrétien et veulent le faire vivre. C’est cette liberté que je réclame, en refusant d’entendre que ces idées raisonnables, pour ne pas dire rationnelles, n’ont rien à voir avec le christianisme. Comme disait Averroès (voir plus loin), la raison vient de Dieu, la révélation vient de Dieu, elles ne peuvent donc pas s’opposer.

  Il ne faut pas que notre christianisme ait à rougir devant l’avancée des connaissances, de la science, de la psychologie, de la philosophie etc. En particulier de nombreux libéraux sont très attachés à ce que la raison ne s’oppose pas à la religion, à ce qu’un esprit rationnel n’ait pas de difficultés à être ou à rester chrétien. Et si aujourd’hui beaucoup de chrétiens sont attirés par un retour vers un certain fondamentalisme, nous en comptons dix fois plus qui ont abandonné la religion, parce que le christianisme était devenu difficilement conciliable avec l’état de nos connaissances scientifiques. Il faut expliquer à ces gens-là que, à bien lire la Bible, les fondements du christianisme peuvent très bien convenir à un esprit rationnel et sont même indispensables aux progrès nécessaires de notre société. Qui peut faire cela mieux que les chrétiens libéraux ? Avec Albert Schweitzer, et bien d’autres libéraux, je pense que le rôle de la religion n’est pas d’expliquer le monde, mais de le rendre meilleur. Le christianisme est capable de cela, par la force de son message éthique qui domine les évangiles et même les lettres de Paul, sans nous obliger à croire constamment à des phénomènes surnaturels qui ne peuvent pas avoir au vingt-et-unième siècle le sens et la portée qu’ils avaient à l’origine.

  Je respecte la pensée des autres, fût-elle à l’opposé de la mienne, mais, dans la grande diversité des formes de pensée du christianisme, nous avons deux points de repère pour essayer de nous comprendre : la Bible et la rigueur avec laquelle nous la lisons, la rigueur de la recherche et des raisonnements qui l’accompagnent.

Alors, dira-t-on, cette introduction de la raison dans la lecture biblique, cette adaptation permanente de la pensée chrétienne à la culture contemporaine conduit à abandonner la fidélité à la Bible, par la distance qui est prise vis-à-vis de la lettre du texte, vis-à-vis de tous ces miracles et autres phénomènes incroyables. Je répondrai : pas du tout, au contraire. Et sur cette question, il est nécessaire de faire un petit rappel historique.

  À la suite du choc créé par le siècle des Lumières, certains penseurs, qui n’étaient pas parmi les ecclésiastiques, se sont mis à dire que la Bible ne devait pas être considérée comme ayant un statut spécial, au-dessus des autres livres, infaillible parce que sacrée, pratiquement dictée directement par Dieu lui-même. Au contraire, ils estimaient que, comme les autres textes anciens, elle avait été écrite pas des hommes qui avaient leurs idées à exprimer, qui avaient leur grandeur et leurs faiblesses, qui baignaient dans une culture du merveilleux, qui présentaient entre eux des incohérences et des contradictions. Pour ces penseurs, la « critique historique » qui était appliquée aux textes profanes devait aussi être appliquée aux textes « sacrés ». Cela obligeait à bien replacer ces livres dans leur époque, dans leur lieu d’écriture, dans leur culture et finalement dans leur histoire. Pour bien comprendre un texte biblique, il fallait faire ce travail de remise en situation et se demander ce que l’auteur, de là où il était, avait voulu exprimer et pourquoi. Tollé des milieux ecclésiastiques, catholiques comme protestants, qui voyaient l’interprétation de la Bible leur échapper, et par suite leur enseignement, et au bout du compte leur autorité. Il a fallu que les écoles de théologie libérale allemandes, au XIXe siècle, s’emparent de cette question et la traitent avec soin pour que d’énormes progrès puissent être faits dans la compréhension des textes bibliques. Aujourd’hui la critique historique est admise et pratiquée par un très grand nombre de théologiens, catholiques et protestants, à l’exception des branches fondamentalistes de nos Églises. Elle a permis de faire comprendre les textes bibliques d’une manière entièrement nouvelle et beaucoup plus approfondie. Les miracles ne font plus problème depuis longtemps.Ils sont un langage d’époque, empruntant la mythologie ambiante. Il ne faut pas confondre le langage et l’enseignement porté par le langage.

  Les évangélistes, comme souvent les auteurs de cette époque, faisaient de l’impressionnisme, comme Van Gogh, Monet et bien d’autres. Ces peintres utilisaient des couleurs surréalistes, qui n’avaient rien à voir avec la réalité devant leurs yeux, parce qu’ils voulaient communiquer des impressions, des vérités au-delà de la vérité. De même celui qui raconte un miracle veut communiquer une impression, une vérité au-delà de la vérité. Ernest Renan était un farouche partisan de cette critique historique et, voyant que son Église ne voulait pas en entendre parler et continuait à affirmer de nombreux de dogmes sans aucune rationalité et sans assise biblique solide, il abandonna ses études qui devaient le conduire à la prêtrise, mais garda sa foi. Il écrivit une Vie de Jésus (1865) qui fit scandale à l’époque, mais qui aujourd’hui paraît bien sage.

  Le libéralisme théologique n’est pas né d’hier, car à toutes les époques, et dans toutes les religions, destendances novatrices se sont opposées à des tendances conservatrices. Et des tendances rationalisantes se sont opposées à des tendances irrationnelles. Rappelons trois exemples de ces oppositions.

Pour ces penseurs, la « critique historique » qui était appliquée aux textes profanes devait aussi être appliquée aux texte « sacrés ».

Au premier siècle, et contrairement à ce que les Églises ont voulu faire croire, plusieurs christianismes se partageaient l’espace. Nous nous rappelons par exemple les lettres de l’apôtre Paul qui se plaint de ce que des « super-apôtres » (2 Co 11,5.) passent après lui dans les Églises qu’il a créées pour annoncer un autre Évangile que le sien. Il reproche aussi vivement la même chose aux Galates (Ga 1,6-8). On connaît mieux aujourd’hui ce judéo-christianisme que l’apôtre fustigeait tellement. Cette branche du christianisme conservait de Jésus le souvenir d’un sage, d’un enseignant, qui demandait un changement de mentalité, une conversion dans le sens d’une vie tournée vers le prochain, vers la défense des plus démunis et la compassion vis-à-vis de ceux qui souffraient. Ce Jésus-là montrait constamment dans sa vie l’exemple de ce décentrement vers l’autre. C’est àtravers cette « justice supérieure à la loi », comme dit Matthieu, que l’on peut trouver le Royaume de Dieu. Pour ce christianisme judaïsant, la mort et la résurrection de Jésus n’étaient pas des éléments centraux de la foi, encore moins la résurrection du commun des mortels.

  Tandis qu’au contraire le christianisme beaucoup plus hellénisé de Paul voit le salut du chrétien dans la crucifixion et la résurrection de Jésus, et ne se préoccupe pas trop de ce qu’a pu faire Jésus de son vivant.

  Voilà une théologie de la croix et de la résurrection qui s’oppose à une théologie de la parole et de la compassion. La première, et la théorie de la mort expiatoire de Jésus qui s’en est suivie, ne sont pas trop rationnelles. Elles manquent même complètement de logique : pourquoi donc Dieu aurait-t-il eu besoin de la mort de Jésus pour sauver l’humanité ? Où est sa fameuse toutepuissance ? Objectivement, il n’a pas vraiment besoin du sang de Jésus mort sur la croix. Tandis que la seconde théologie possède une logique interne : c’est bien de plus d’éthique et d’un plus grand souci du prochain que le monde a besoin, aujourd’hui comme hier.

  Heureusement les évangiles de nos bibles, surtout les synoptiques, ont su faire la synthèse entre ces deux christianismes, laissant une large place à un enseignement de Jésus tourné vers le souci des marginaux et des plus démunis. Mais d’autres évangiles, témoins d’un enseignement éthique sans résurrection, avaient, comme par hasard, disparu de la circulation (par exemple l’évangile apocryphe de Thomas, retrouvé dans les sables du désert égyptien en 1948 seulement ; ou bien le texte hypothétique dit « source des logia » (ou « source Q »), sur lequel se seraient appuyés Matthieu et Luc pour rédiger leur évangile.

Ces tendances rationalisantes se sont aussi manifestées au deuxième siècle, en réaction contre certains penseurs chrétiens proclamant qu’il fallait considérer Jésus comme Dieu. Dans le Nouveau Testament, cette idée ne commence à apparaître que dans les livres tardifs de la fin du premier siècle. Mais elle est allée en progressant, sous l’influence des mythologies grecques qui mélangeaient facilement les dieux et les hommes et avaient repris de l’Égypte le concept de demi-dieu. Le fameux Arius finit par s’opposer ouvertement à ce mélange des genres en rappelant, citations bibliques à l’appui, que le Christ était un homme adopté par Dieu au moment de son baptême. Donc un fils subordonné au Père, parce que créature du Père. Arius fut désavouéau concile de Nicée en 325, par la volonté de l’empereur Constantin, annonçant à l’avance qu’il destituerait tous les évêques qui ne voteraient pas la condamnation d’Arius. Cependant la plupart des évêques orientaux, malgré leurs votes peu courageux condamnant Arius, continuaient à penser comme lui. Et il fallut conciles sur conciles, destitutions sur destitutions, pour qu’enfin un siècle et demi plus tard, à Chalcédoine, la grande Église, soutenue encore par l’empereur (mais un autre !), finisse par imposer ses vues, qu’elle n’imposa pas vraiment d’ailleurs, puisque beaucoup de chrétiens, en Europe, se disaient toujours « ariens ».

Au Moyen Âge, et grâce à l’influence de l’Islam, la chrétienté connut encore un envahissement par la raison, qui d’ailleurs lui fit peur, mais dont elle réussit à se débarrasser, avec l’aide de Thomas d’Aquin.

  Tout commença en Andalousie, au douzième siècle, lorsque le grand penseur musulman Averroès fit parler de lui en voulant réconcilier la philosophie d’Aristote, qui faisait une bien plus grande part à la raison que celle de Platon, avec la religion musulmane. « Le vrai de la religion ne peut contredire le vrai de la philosophie », disait-il, parce que les deux viennent de Dieu. Se plaçant dans la continuité des penseurs musulmans rationalistes du début de l’Islam (les Mutazilites), Averroès réinterpréta toute la pensée musulmane à travers les oeuvres d’Aristote. La pierre d’achoppement fut évidemment la question de l’âme. Car pour Aristote, l’âme est absolument indissociable du corps et donc meurt avec lui. Cela fut une des raisons principales pour lesquelles Aristote s’éloigna de Platon. En effet, pour ce dernier, l’âme préexiste au corps et en est prisonnière, jusqu’à ce qu’elle réussisse à s’en échapper pour rejoindre Dieu. On comprend pourquoi le christianisme contracta alliance avec la philosophie platonicienne et tenta d’oublier celle d’Aristote, jusqu’à en laisser disparaître les oeuvres.

  Revenons au malheureux Averroès. Professant la mort de l’âme avec la mort du corps, il eut beaucoup d’ennuis avec la communauté musulmane et finit sa vie en exil. Mais il avait rapporté en Andalousie la pensée aristotélicienne. Au point que l’évêque de Tolède fit installer dans sa ville un bureau de traduction des oeuvres d’Aristote qui n’avaient subsisté qu’en arabe et étaient donc totalement inconnues des chrétiens. Ce fut le point de départ d’une redécouverte par l’Occident de la pensée du grand philosophe. Des penseurs chrétiens comme Abélard, Albert le Grand, Thomas d’Aquin voulurent réconcilier la pensée 

  d’Aristote avec le christianisme, et du même coup la foi avec la raison. Pour ces savants, la raison devait être le point de départ de la pensée et donc aussi de la théologie, car elle parle à l’intérieur de la foi et la complète en lui permettant de déployer toute sa richesse. L’Église s’alarma et condamna les thèses rationalistes de tous ces nouveaux penseurs. Par la suite Thomas s’assagit et développa une Somme théologique immense, très savante et très astucieuse, qui revenait à ce que la raison reste, in fine, au service, donc artificiellement prisonnière, de la pensée chrétienne traditionnelle. Notamment, il trouva de bonnes raisons pour justifier la survie de l’âme après la mort. Du coup, Thomas fut canonisé.

  En résumé, un mouvement prometteur, mais qui, une fois de plus, fut aplati par le rouleau compresseur de l’Église dominante. Mais il reste toujours quelque chose de ces incursions de la raison dans le champ des systèmes religieux faisant une trop grande part au surnaturel.

  Tous ces débats anciens sont-ils périmés ? Souvent, mes amis de tendance théologique plutôt traditionnelle, me disent : « Mais tu perds ton temps à défendre les idées libérales. Aujourd’hui, tout le monde, dans l’Église réformée, est libéral. Il n’y a plus rien à défendre. » Ceci revient à admettre que ces tendances libérales étaient salutaires puisqu’elles ont permis à l’Église réformée d’être témoin d’un christianisme qui a su s’adapter à notre monde. Il est vrai que, après le raz-de-marée qui a envahi l’Église sous l’influence de Karl Barth après la dernière guerre, un gentil libéralisme s’est installé de façon assez dispersée dans notre Église ; en témoignent les nombreux abonnés à notre mensuel. Néanmoins, je ne perds pas mon temps, car les chrétiens sensibles aux idées libérales sont peut-être minoritaires dans l’Église.

  Ce qui est grave, comme déjà dit, c’est qu’un beaucoup trop grand nombre de nos contemporains ont quitté le christianisme parce qu’ils avaient conservé de lui une conception dépassée, héritée des idées les plusclassiques et les plus irrationnelles. Ce sont elles qui restent encore dans la mémoire collective. Demandez à une personne détachée du christianisme ce qu’elle sait de celui-ci. Il vous citera la résurrection des morts, la divinité du Christ, les miracles, la toute puissance de Dieu qui, dans sa grande bonté, permet toutes les souffrances de la terre, etc. Et il précisera que, ne pouvant croire à tout cela, il préfère s’investir ailleurs. Et si cette personne garde ces idées anciennes, c’est parce que, dans les Églises, on récite encore le Symbole des apôtres, qui précise que Jésus reviendra sur terre pour juger les vivants et les morts, mais qui oublie de parler de l’amour du prochain ; on parle encore du paradis et de l’enfer qui sont ignorés de la Bible ; on dit encore que le tombeau vide est la preuve de la résurrection de Jésus, etc. Et pendant ce temps-là, le chômage, la précarité, l’exclusion, la faim minent toujours nos sociétés. Ce n’est vraiment pas le problème aujourd’hui de juger les morts !

  Non assurément, à participer à la proclamation d’un Évangile qui juge ces questions secondaires, voir irréelles, mais qui recentre l’essentiel sur la nécessité de s’occuper de la misère du monde, je ne perds pas mon temps, tout en restant dans la position humble de celui qui sait avoir peu d’impact sur la pensée contemporaine. Mais je ne suis pas tout seul. Nous sommes nombreux à nous investir dans « Évangile et liberté ».

Un beaucoup trop grand nombre de nos contemporains ont quitté le christianisme parce qu’ils avaient conservé de lui une conception dépassée.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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