Spiritualité et religion

Si toute religion est liée à une spiritualité, toute spiritualité n’est pas une religion. L’étymologie fait bien apparaître la différence.

  On connaît deux étymologies au mot « religion ». La première a été donnée par Cicéron en 44 av. J.-C. : religio vient de relegere, « relire » (le religieux est celui dont l’attitude est intelligente et mesurée par opposition aux excès du superstitieux). La seconde étymologie a été donnée par Lactance, au début du IVe siècle : religio vient de religare, « relier », la religion « relie à Dieu ».

  Spiritualité vient du latin spiritus (le souffle, l’esprit) et désigne donc ce qui est de l’ordre de l’esprit, sans autre référence. Et qu’est-ce que l’esprit ?

  Dans la Bible, l’esprit, le souffle, émane de Dieu : « Le souffle de Dieu planait sur les eaux » Gn 1,2 ; « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe » Jn 1,32. Ensuite, avec Paul, le spirituel est opposé au charnel « le corps est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel » 1 Co 15,44, et il est lié à la foi.

  C’est donc naturellement que par la suite, et pendant des siècles, dans l’Occident chrétien, la spiritualité a été reliée à la religion. Le spirituel était entre les mains de l’Église. Aujourd’hui, ce n’est plus le religieux qui englobe le spirituel, mais l’inverse. La religion n’est plus qu’une des formes d’expression du spirituel. Ce glissement, s’est fait en quelques décennies. Deux philosophes ont publié récemment deux livres qui montrent bien l’évolution actuelle : L’Esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu d’André Comte-Sponville et La révolution de l’amour. Pour une spiritualité laïque de Luc Ferry. Le premier conclut ainsi : « C’est l’amour, non l’espérance, qui fait vivre ; c’est la vérité, non la foi, qui libère. Nous sommes déjà dans le Royaume : l’éternité c’est maintenant. »

  La spiritualité bouddhiste est une autre expression, non occidentale, qui ne fait pas référence à une relation à un dieu. Selon Matthieu Ricard, interprète français du Dalaï Lama : « [Le Dalaï-Lama] très attaché à la notion de spiritualité laïque, déclare que la religion est un choix personnel et que la moitié de l’humanité n’en pratique d’ailleurs aucune et qu’en revanche les valeurs d’amour, de tolérance, de compassion prônées par le bouddhisme concernent tous les humains, et cultiver ces valeurs n’a rien à voir avec le fait d’être croyant ou non. »

  La spiritualité est quête personnelle alors que la religion est le langage symbolique d’un groupe social. Religion et spiritualité peuvent donc très bien se croiser sans se rencontrer.

  Gilles Bourquin, pasteur à Delémont, en Suisse, présente ici une réflexion sur une spiritualité moderne, avec ou sans Dieu. Pour approfondir le sujet on pourra se reporter à sa thèse : Théologie de la spiritualité. Une approche protestante de la culture religieuse en postmodernité, Éd. Labor et Fides, 2011, 456 p.

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