La dame apporte un couffin.
Elle prend l’enfant comme on prend une poupée désarticulée, puis elle
dépose le bébé dans le cercueil.
Pas un mot, silence.
On aurait aimé entendre le sanglot étouffé de parents abattus par le chagrin.
On aurait aimé entendre le cri de révolte de parents révulsés par l’absurde.
Rien, personne n’est là, sauf le silence.
La petite fille, morte après 24 heures de vie, est seule, abandonnée par une
famille dont on ne sait rien. Détresse et fuite des parents devant l’insoutenable ?
Honte de ne pouvoir assumer le coût des obsèques ? Misère morale, psychique,
sociale… Dans le silence de la morgue retentit le désespoir de toute une
population qui part à la dérive.
Nous partons pour le cimetière, peut-être là-bas quelqu’un sera présent pour
dire le lien, l’affection, l’amour qui entoure la petite fille… Hélas, au cimetière,
il n’y a personne. Dans le carré réservé aux enfants, dans la partie de ceux qui
sont « sans famille », pas de pierres tombales, pas d’angelots en marbre, pas de
prières inscrites… Rien, ni personne, seul le bruit du vent meuble l’immensité
du cimetière.
Sur la tombe de l’enfant seul, nous déposons quelques fleurs. Un geste, un
faible lien, demain elles seront fanées. Mais un geste qui dit la vie… Et toujours
le silence pesant. Silence de solitude, d’exclusion, de mort et d’horreur, triomphe
de l’injustice et de la souffrance. L’enfer, s’il existe, doit ressembler à ce silence…
Alors, à la dernière pelleté de terre, devant la tombe de l’enfant mort, pour elle,
pour la petite fille et pour que l’horreur n’aie pas le dernier mot, j’ai lu l’hymne
à l’amour de la lettre aux Corinthiens.
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