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Seigneur

  Quand arrêterons-nous l’usage de ce mot Seigneur dans nos confessions de foi ? « Jésus- Christ est le Seigneur », est-il encore affirmé dans la Déclaration d’union de l’Église protestante unie de France ! Avec un S majuscule, s’il vous plaît. Voilà des années que nous nous battons contre une sémantique, non seulement d’un autre temps au niveau de la forme, mais fallacieuse dans le fond. Un « seigneur » a toujours évoqué pour moi un être autoritaire, voire violent, armé, au mieux paternaliste, entouré de serfs et de vassaux à la botte. Une image bien lointaine de celle que j’ai de Jésus-Christ, qu’on verrait plutôt – si on accepte l’allégorie de la pensée évangélique transfigurée dans la personne du Christ – comme un ami, un frère, un compagnon. La parole du Christ m’accompagne, me protège, m’élève. La personne du Christ ne s’est jamais instaurée le roi de quoi que ce soit, si ce n’est par les autres, par ironie, sur sa croix ! C’était un pauvre hère qui marchait de village en village, accompagné d’une dizaine de clochards qui au mieux le hissaient sur un âne ! Le Christ – symboliquement vivant – partage mes joies et mes souffrances, il est compassion, aide spirituelle, il éclaire le sens de ma vie. N’est-ce pas la définition d’un ami ? « Jésus-Christ est mon ami » : comment nos théologiens ont-ils pu ne pas profiter de ce changement d’Église pour faire évoluer cette confession de foi ? J’ai été élevé à la lecture historico- critique de l’Évangile. Comment ne pas comprendre que le mot « Seigneur » a été appliqué au Christ à une époque où on n’avait rien d’autre à se mettre sous la dent ? C’était le seul moyen d’évoquer une forme d’autorité spirituelle à une époque ou l’individualisation de l’Homme et sa capacité à se prendre en charge démocratiquement, donc spirituellement, naissaient à peine. Enfin, et surtout, le mot « Seigneur » était, à l’époque, hautement subversif puisqu’en l’appliquant au Christ, il entendait contester au nom de l’Évangile la seigneurie de l’empereur et l’idéologie impériale sur les personnes et les consciences. C’était une véritable rébellion que d’utiliser ce mot Seigneur pour Jésus. À qui cela parle, maintenant le « Seigneur » ? Contre quel autre seigneur se dresse-t-il ? Qu’y a-t-il de véritablement révolutionnaire dans cette appellation ? Elle nous plonge au contraire dans une culture de marbre, comme si nos Églises n’étaient que ces châteaux de pierres où nous nous réunissons le dimanche matin, et non la foule vivante de ceux qui se réfèrent à Jésus- Christ. À moins que ce ne soit sciemment que l’on fasse perdurer cette notion, afin de bien marquer le côté dogmatique et indiscutable de la doctrine du prétendu Seigneur Jésus !

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À propos Yvan Robert-Garouel

est metteur en scène et comédien. Il est paroissien au Foyer de l’Âme à Paris.

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