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Rembrandt et la figure du Christ

La récente exposition « Rembrandt et la figure du Christ », au musée du Louvre, est l’occasion pour Cécile Souchon d’un regard particulier sur Les pèlerins d’Emmaüs.

  Il fallait toute l’inégalable notoriété de Rembrandt et toute la magnificence du musée du Louvre pour présenter au public – un public a priori ni grand, ni savant, ni croyant, ni captif ou, aussi bien, tout le contraire – une exposition consacrée à l’approche par ce grand peintre de la figure du Christ (avril-juillet 2011).

  Toutes celles et ceux qui ont eu le bonheur de la parcourir ont pu, sans avoir le talent de la main de Rembrandt, lui emprunter quelques instants au moins ses yeux, entrer dans sa recherche, partager sa quête, délaisser le visage stéréotypé d’un Christ certes fait homme, mais jusque là si peu « humain », légué par la respectueuse iconographie des siècles précédents.

  La rencontre avec Jésus la plus émouvante ? « Les pèlerins d’Emmaüs », un tableau conservé à Paris, au musée Jacquemart-André, un tableau où le Christ, de profil, n’a d’ailleurs pas vraiment de visage ! Moins poignante, moins dramatique que la Crucifixion, la scène renvoie au repas partagé alors que la vie a été enlevée à celui qui se disait le fils de Dieu.

  Les couleurs sont de terre, noir, bruns chauds, gris de la besace du voyageur, pendue au clou, figée, comme lui. Mais la lumière, elle, est du ciel. Émanée de nulle part, diffuse, sans révéler les traits du Christ assis à contre jour, rayonnante suffisamment, et douce infiniment, elle rejaillit sur le visage stupéfait du convive, sur ses mains étonnées, sur une table frugale où subsistent une écuelle simple, une coupe bancale, un couteau, une boule de pain.

  La nourriture est ailleurs.

  On n’entend pas les mots, on ne suit pas les gestes, on n’entend pas les bruits, pourtant dans le halo ténu d’une invisible bougie, la servante – à elle seule Marthe et Marie – accomplit les rites de ses tâches domestiques, et la nuit tombe. Les trois quarts du tableau sont envahis de crépuscule.

  Mais dans cette salle d’auberge dépouillée, l’ombre installée n’a pas tout dévoré. Dans le dernier quart du tableau où se dévisagent les humains, où s’échangent les paroles d’espérance, les gestes d’amour et d’apaisement, dans le regard de certitude que le Christ pose avec autorité sur ces lieux, la lumière d’un Dieu vivant vibre jusqu’au coeur du disciple, brave homme en habits ternes, encore penché de doute, bouleversé.

  Dans cette scène (ou faut-il dire cette Cène ?) les seuls vrais mouvements sont ceux de l’âme, lorsqu’elle reprend vie au sortir du désespoir.

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À propos Cécile Souchon

ancien conservateur du Patrimoine, a travaillé aux Archives départementales du Maine et Loire et de l’Aisne, puis aux Archives nationales à Paris. Elle a été membre du Conseil National de l’Église réformée de France, de 1986 à 2001.

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