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On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset

Comme chien et chat, comme deux galériens de l’amour, Camille et Perdican, à peine sortis de l’adolescence,se chipotent la vérité des sentiments dans un marivaudage relu par le spleen d’un Musset définitivement blessé des effets de l’inconstance du coeur. Autour de cette jeunesse joueuse et dépressive, l’auteur, adepte à la manière de Hugo d’un sublime flirtant avec le grotesque, grille sur le feu du drame une brochette de vieillards aberrants, saoulards et pervers, encombrant accompagnement comique d’une action bavarde et d’un dilemme artificiel. A l’exception des exégètes de l’œuvre, voilà pour beaucoup ce qu’On ne badine pas avec l’amour aura en un siècle et demi laissé comme souvenir persistant, détrôné dans les cœurs et sur les scènes par le chef d’œuvre flamboyant du poète, Lorenzaccio.

Le metteur en scène Yves Beaunesne, à qui l’on doit d’éblouissantes lectures de Claudel, dont un Partage de midi d’anthologie à la Comédie-Française en 2007, nous ouvre les yeux sur une pièce inconnue, qu’il révèle comme l’inventeur d’un trésor, en archéologue, en précurseur, en donateur d’un savoir qu’il détenait et qu’il offre. Ce Musset là n’est ni dans les livres ni dans les examens du bac ou les épreuves de l’agrégation. Il habite les mêmes contrées impudiques et les mêmes climats troubles qui sont les nôtres. L’esprit et le corps s’y combattent, fraternisent et se damnent avec la même ivresse d’étoiles filantes dont nous nous enorgueillissons au meilleur moment de nos échecs. Il n’est pas même question de modernité d’un texte ancien, de relecture contemporaine des affres romantiques. C’est à la fois plus primitif, plus fortuit et moins polémique. Avec une intelligence qui nous transporte et nous exalte au diapason de cette dispute d’amoureux devenue un affrontement tragique avec la réalité, Yves Beaunesne fait vivre au texte sa renaissance, son extraction des territoires battus par l’habitude. Il lui donne une parole qui enfin révèle à ce duo d’êtres brisés par leur enfantine vanité, la mesure du sacrifice odieux qu’ils accomplissent.

Entourés par une pléiade d’aînés, Roland Bertin, Pierre Vial, Danièle Lebrun, Christian Blanc, accompagnés par la pureté magique de Suliane Brahim dans le rôle de Rosette, Loïc Corbery et Julie-Marie Parmentier conduisent Perdican et Camille au seuil de l’enfer et de la vérité avec l’audace et la perfection de leur infini talent. On ne sait, à proprement parler, comme les remercier de ce don.

On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset, mise en scène d’Yves Beaunesne, avec la troupe de la Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, jusqu’au 26 juin 2011, www.comedie-francaise.fr

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À propos Thierry Jopeck

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