Martin-Luther King a été assassiné il y a 40 ans, le 4 avril 1968. Son action se situe dans une assez brève période de temps : 1955-1968. Christian Mazel, qui a eu la chance de le rencontrer, nous parle de cet homme exceptionnel.
Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, couturière noire de 42 ans, après une longue journée de travail, refuse de laisser sa place assise à un homme blanc dans un bus de ville de Montgomery (Alabama). Victime de la ségrégation dans les transports en commun, elle est jetée en prison pour cet acte de résistance non-violente.
M.-L. King, pasteur à Montgomery, lance alors un mouvement de boycottage des bus qui dura plus d’une année, marquée par de longues marches à pied, arrêts des autos par la police, bombe sur la maison de M.-L. King, intimidations et violences policières. Le combat se termina pour lui le 4 avril 1968, par son assassinat à Memphis (Tennessee) à l’âge de 39 ans.
Nous l’avons rencontré plusieurs fois lors de mon ministère à Detroit (Michigan).
Il avait un contact chaleureux et humble. Dès la première rencontre, il inspirait confiance et loyauté. Il avait l’art du « bien dire » américain, calme et riche d’arguments, simple, direct et très imagé. Avec des mots auxquels il savait donner densité et poids.
Son autorité provenait de l’évidence de ses affirmations qui ralliaient à sa cause ses interlocuteurs. Il fut l’incarnation d’une non-violence dite et vécue.
Parfois plein d’humour : à Pittsburgh, (lors de l’union des Églises presbytériennes USA), je me souviens d’une intervention qui nous a marqués ; il a lu « l’Épître de l’apôtre Paul aux Églises des USA », tout à fait dans le style des lettres classiques de l’apôtre du Ier siècle.
Ces Églises dont il était pasteur, dans une lignée familiale respectable, étaient éveillées aux inconséquences quotidiennes, parfois mal perçues des chrétiens.
Dans les années 1960, la ségrégation humiliait les « colorés » dans toute la vie civile : bus, écoles, cinémas, hôtels et restaurants, parcs publics et files d’attente. Le Ku Klux Klan et la peur empêchaient les noirs des États du Sud de s’inscrire sur les listes électorales. Tous les prétextes étaient bons pour les dissuader. Avec un courage et une sérénité hors du commun, M.-L. King lança une campagne pour l’inscription des noirs sur les listes électorales. Des amis m’ont raconté quelle détermination pacifique il fallait pour l’accompagner, face aux attaques violentes de forces de polices dotées de gourdins, de chiens dressés à l’attaque, de canons à eau, pour franchir un pont, entrer à l’hôtel de ville, marcher des kilomètres sur les routes face aux coups anonymes d’opposants surexcités.
Les attaques contre sa maison avec la famille et les enfants, la nuit, semaient l’épouvante. Coretta King, sa femme, a raconté ses nuits d’angoisse. (NDLR : On peut lire Coretta Scott King, Ma vie avec Martin-Luther King, Paris, Stock, 1970.)
M.-L. King communiquait ses forces intérieures (« la force d’aimer ») par la prière en public et les chants en commun.
Les Églises, dont les Français aiment ironiser sur leur diversité, éprouvent une véritable communion spirituelle qui se manifeste à bien des égards : M.-L. King, pasteur baptiste se sent profondément chez lui dans les assemblées délibératives presbytériennes.
La diversité n’est pas l’opposition. Pour le Vendredi saint, par exemple, ces Églises organisent un service continu de culte, avec des pasteurs de différentes dénominations, toute la journée. Pourquoi ne pas concevoir « l’oecuménisme » comme un bouquet de fleurs, un arc-en-ciel aux couleurs variées, plutôt qu’une organisation rigide, niveleuse et uniformisatrice ?
L’unité se vit dans l’écoute d’une parole qui vient d’ailleurs et nous atteint.
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