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Lorsque Paul renonce à parler de la résurrection des morts

La résurrection des morts est le centre d’un certain christianisme. Et pourtant les évangiles en parlent bien peu. Même Paul semble avoir beaucoup évolué sur la question.

Autant la résurrection de Jésus est racontée de façon un peu précise dans les évangiles, autant la résurrection des hommes ordinaires est extrêmement floue. Nos évangiles parlent souvent de Royaume de Dieu, de vie éternelle, mais la résurrection du commun des mortels reste vague et épisodique. Les Lazare et autre fille de Jaïrus qui se relèvent, mais finissent par mourir, comme tout un chacun, n’éclairent pas vraiment sur la résurrection des morts. Celle-ci n’est pas centrale dans le discours de Jésus.

  Il en va différemment des épîtres pauliniennes, du moins des plus anciennes. En effet, dans sa première lettre aux Thessaloniciens, l’apôtre en parle avec une belle assurance (I Th 5,15-18) et annonce une résurrection au son de la trompette de Dieu, avec un Christ descendant du ciel et venant à la rencontre des morts et des vivants, à la manière des rois grecs qui viennent avec panache visiter une de leurs villes.

  Trois ou quatre années plus tard, dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul est moins précis dans le déroulement des événements, mais en développe cependant le sens. Il souligne (I Co 15,12-19) que le Christ ne peut pas être ressuscité s’il n’y a pas de résurrection des morts. Cela n’était donc pas évident pour ses interlocuteurs Corinthiens. Un peu plus loin, dans le même chapitre (15,35-56), il donne des explications sur la nature de la résurrection : « Comme la plante qui doit renaître est complètement différente du grain d’origine, ainsi en sera-t-il de notre corps : semé animal il ressuscitera spirituel, semé corruptible, il ressuscitera incorruptible, semé dans la faiblesse, il ressuscitera plein de force. » Ce passage est un des plus riches du Nouveau Testament concernant la résurrection et peut-être aussi un des plus hardis.

  Encore trois ou quatre années plus tard, Paul écrit sa lettre aux Romains, une bonne synthèse de sa pensée, une lettre très construite sur le plan théologique, un véritable chef-d’oeuvre cher aux protestants. Mais curieusement, l’apôtre ne parle pratiquement plus de la résurrection des morts : dans l’ensemble de sa lettre, il n’y a plus que Jésus qui ressuscite. Certes, les hommes gardent la possibilité d’être sauvés : « Vous avez été sauvés, mais c’est en espérance. » (Rm 8,24). Paul parle aussi souvent d’une sorte de vie véritable, de vie nouvelle ; il évoque la « justification qui donne la vie ».

  Mais en quoi consistent ce salut et cette vie nouvelle ? C’est vraiment le début du chapitre 6 qui est le plus éclairant sur ce sujet. Résumons-le ainsi : « Par le baptême, nous sommes morts avec Jésus-Christ et ensevelis. Mais comme il est ressuscité, nous menons avec lui une vie nouvelle. Ayant été assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. Nous devons donc nous considérer comme morts au péché et vivant pour Dieu. Nous sommes des vivants revenus d’entre les morts, pour nous mettre au service de Dieu. »

  Il faut donc passer par la mort, déjà de notre vivant, si l’on peut dire, de manière à vivre pour Dieu ensuite. On pourrait dire, bien que l’apôtre n’emploie plus le mot, de manière à bien ressusciter. Cette idée devait déjà travailler Paul dans sa lettre aux Corinthiens puisqu’il écrivait : « Ce que tu sèmes ne prend vie qu’à condition de mourir. »

 

  Cela devient presque compréhensible. La vie nouvelle, le salut, sont une sorte de don de sa personne, d’acceptation de sa mort, comme Jésus avait accepté la sienne ; ce qui permet de rebondir pour le reste de sa vie, et de se consacrer aux oeuvres de Dieu. Plus rien d’autre n’a d’importance puisque nous sommes déjà morts et… déjà ressuscités.

  Cette explication est très profonde. Elle montre une réelle évolution de la pensée de l’apôtre, plus accessible à la raison : la vie nouvelle commence lorsque nous nous considérons comme morts et ensevelis… avec le Christ. Génial, ce Paul !

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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