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Les sociniens

Lelio et Fausto Socin au XVIe siècle, trop souvent méconnus, ne sont-ils pas à mettre au nombre des Réformateurs ? Leur théologie antitrinitaire explique partiellement leur mise à l’écart par une certaine tradition protestante.

Lelio Socin et Fausto Socin, l’oncle et le neveu, sont nés, le premier à Sienne en 1525, le second en 1539, à Sienne également. Ils appartenaient à une famille de rabbins connus. L’un comme l’autre est marqué par l’humanisme et les idées nouvelles, en particulier par la Réforme. Comme tous les érudits de son temps, Lelio Socin est en relation avec les philosophes et théologiens, notamment Mélanchthon et Calvin. Lelio Socin apparaît comme un rationaliste, ce qui le conduit à remettre en cause certaines idées communément admises à l’époque, comme la prédestination ; mais il discute aussi les dogmes relatifs à la divinité du Christ et à la personne du Saint-Esprit. On trouve là le courant des antitrinitaires véhiculant des idées qui ont envoyé Michel Servet au bûcher en 1553. Lelio mourut jeune, en 1562, mais son neveu Fausto qui l’admirait et avec lequel il correspondait fut son héritier.

Fausto reprend et développe les idées de son oncle, à partir de ses manuscrits. En 1578, il reçoit Blandrata, antitrinitaire connu et médecin du roi Sigismond Ier de Pologne. De Bâle, où il était, Fausto va en Transylvanie puis en Pologne, où le souvenir de son oncle était encore vif et positif. Fausto Socin est une des grandes figures du mouvement antitrinitaire. Son œuvre écrite est considérable, de sa première œuvre « Jesu Christo Servatore », en 1596, à son œuvre maîtresse, le « catéchisme de Rakow » qu’il laisse inachevée à sa mort, le 3 mars 1604, et qui en fait le maître à penser du courant antitrinitaire. En dehors de la Pologne, où une grande Église socinienne s’est développée autour de la ville de Rakow, les idées de Socin expliquent que les sociniens aient été marginalisés. Au-delà de la Transylvanie où ils ont trouvé refuge et où ils sont toujours présents, les sociniens se sont répandus en Europe et en Hollande, où ils se sont rapprochés du mouvement arminien (les « remontrants1 »). Mais, en Hollande comme en Pologne, ils ont été interdits. Pourtant les idées sociniennes se sont diffusées dans le protestantisme, voire dans certains courants catholiques.

Aujourd’hui les Églises unitariennes perpétuent ces idées très hétérodoxes, ayant provoqué la critique négative d’un homme aussi ouvert que Pierre Bayle. En fait les sociniens ont eu des idées libérales très tôt. En particulier la critique et la remise en cause des dogmes, surtout ceux contraires à la raison ; la divinité du Christ est ainsi discutée. Les sociniens ont souvent été vus comme des ariens2 ; on comprend dès lors la persécution qu’ils ont subie, comme en 1598 à Cracovie, où Fausto faillit perdre la vie mais n’évita pas la destruction de ses manuscrits.

Pour Socin, le salut n’est pas fondé sur la mort sacrificielle de Jésus. Mais le pardon et la résurrection sont le signe de l’amour de Dieu qui n’avait nul besoin de sacrifice pour cela. Dans une même logique, Socin refuse tout « magisme » dans les sacrements. Ajoutons que les sociniens sont non-violents. Ces idées ne sont-elles pas l’aboutissement de la logique de la Réforme ? Aujourd’hui dans nos Églises, la pensée libérale, à la suite d’A. Sabatier, W. Monod et T. Monod, d’A.-N. Bertrand ou de G. Marchal, continue et prolonge les idées des sociniens.

Il existe très peu d’ouvrages récents sur les sociniens. Relevons celui de Magda Martini, Fausto Socin et la pensée socinienne (Paris, librairie Klincksieck 1967) et celui de Jean-Pierre Osier, Faust Socin ou le christianisme sans sacrifice (Paris, Le Cerf, 1996 ; cet ouvrage contient 140 pages d’extraits de textes de Socin) ; on relira les articles relatifs aux sociniens dans le dictionnaire historique de Bayle et dans celui de Moreri.

  • 1. NDLR. Voir à leur sujet É & l, n° 211/2007
  • 2. Disciples d’Arius (256-336), théologien et prêtre d’Alexandrie, contestataire de la doctrine classique de la trinité.

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À propos Vincens Hubac

est pasteur de l’Église protestante unie de France au Foyer de l’âme, à Paris. Il est engagé dans la diaconie et intéressé par le transhumanisme.

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