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Les Femmes savantes de Molière

Il y a une véritable émotion à retrouver chaque rentrée théâtrale les visages et les voix de la troupe des Comédiens Français. Une part de mélancolie, un fond de passéisme, quelques sentiments ambigus comme dans toutes les retrouvailles. Une tendresse bouleversée à voir l’admirable Hélène Surgère, 60 ans de théâtre et de cinéma, débuter sa première saison complète au Français dans le rôle de la servante Martine. Et lors de son entrée en scène sous son capuchon de chaperon rouge endeuillé, deviner l’ombre géante et bienveillante de son exacte contemporaine, Madeleine Marion, disparue à 80 ans au printemps dernier, après avoir croisé toutes les aventures théâtrales depuis 1950, de Planchon à Vitez, de Claudel à Lagarce, et enfin enrichir la Comédie-Française, au terme d’un parcours unique, de son amour indépassable pour la langue française.

Ce plaisir mêlé de nostalgie est sans doute le sentiment le plus indulgent qu’inspire ces Femmes savantes malmenées par un décor tout droit sorti de la campagne « Combles de rêve », financée par Velux, que diffuse obsessionnellement France 2. Une touche de costumes consternants achève de renvoyer la scénographie à l’insignifiance et le propos de Bruno Bayen à l’opacité la plus complète. Toute comédie qu’elle s’affiche, la pièce est, comme ses malheureuse héroïnes, une œuvre savante, presque austère, fortement référencée par rapport aux événements mondains de son temps qui d’ailleurs ne s’intéressa guère à l’œuvre, écrite dans la durée (deux ans) et la souffrance par un Molière au seuil de la mort.

Bruno Bayen, fidèle au principe de la programmation thématique de la Comédie-Française qui veut cette année traquer les monstres du répertoire, chasse en vain des dragons à occire que le texte subtil et versifié, très antiféministe et passablement équivoque sur le goût du savoir, ne lui offre jamais. Les grands aînés de la troupe se sortent de ce piège avec panache pour Thierry Hancisse, une élégance comique réjouissante pour Isabelle Gardien, une autorité sensible pour Clotilde de Bayser. Le coup est autrement rude pour les plus jeunes, perdus dans la pièce et ses alexandrins retors. Il leur reviendra de ne pas trop en vouloir à leur metteur en scène qui s’adonne à quelques blagues de potaches éculées jusqu’à des ajouts de texte pathétiques, inspirés des sketchs de Valérie Lemercier, autrement plus transgressifs.

Les Femmes savantes, mise en scène de Bruno Bayen, Comédie-Française, au Théâtre du Vieux-Colombier, du 23 septembre au 7 novembre 2010,www.comedie-francaise.fr

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À propos Thierry Jopeck

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