Une expérience originale de dialogue interreligieux a récemment commencé à Genève, dans une librairie-café, lieu « neutre » et accueillant, où la parole est libre.
Depuis le mois de novembre 2010, une expérience originale se déroule à Genève à l’initiative de la Fondation Racines & Sources (site internet : www.racinesetsources.ch) dirigée par le rabbin Marc-Raphaël Guedj. En collaboration avec l’imam Youssef Ibram, actuel responsable de la grande Mosquée de Genève et le pasteur signataire de ces lignes, une rencontre interculturelle et interspirituelle est proposée chaque mois aux jeunes des communautés juive, chrétienne et musulmane, sans écarter ceux qui viennent d’un autre horizon. Même les athées militants sont les bienvenus et ils ne se font d’ailleurs pas oublier…
Ces rencontres se déroulent à la Librairie-café Les Recyclables, au 53 de la rue de Carouge (site internet : www.recyclables.ch). Il s’agit d’un endroit alternatif situé à proximité de l’Université, donc l’un des principaux lieux estudiantins de la ville. Il a l’avantage d’être religieusement neutre et cependant accueillant aux tenants confessionnels de tous bords. C’est par définition un lieu où la parole est libre.
Cette expérience de terrain d’un nouveau genre repose sur cinq lignes directrices partagées sans réserve par les organisateurs.
a) Une meilleure tolérance réciproque
Le travail interreligieux est une réponse pertinente au fanatisme.
b) Faire reculer l’ignorance et l’inculture
En invitant à une connaissance plus approfondie des traditions des autres, le travail interreligieux rend service au lien social.
c) Mieux se connaître soi-même
L’image qui m’est renvoyée par les autres est d’une importance décisive dans la connaissance de moi-même. À travers l’autre j’arrive à mieux découvrir qui je suis.
d) Le partage des sagesses
Le travail interreligieux permet une fécondation mutuelle par le partage des sagesses.
e) Pas d’arrière-pensée
La confiance étant indispensable, les stratégies de conversion doivent être bannies absolument. Il ne s’agit pas d’obtenir que l’autre me rejoigne.
Sur le modèle des cafés philosophiques, il nous a semblé opportun d’offrir un espace de libre débat à des jeunes adultes de diverses appartenances religieuses. L’imam, le rabbin ou le pasteur livre une brève réflexion sur un thème choisi par eux ou suggéré par les participants du rendez-vous précédent. Les jeunes réagissent, s’approprient la thématique, la développent, donnent leur point de vue et parfois se disputent mais toujours très courtoisement. Le but n’est pas de se mettre d’accord, mais d’échanger au plus prêt de ses convictions.
Les consommateurs occasionnels présents peuvent aussi prendre part aux échanges, ce qui provoque parfois des rebondissements inattendus.
Parmi les questions abordées : Les identités sontelles meurtrières ? À partir de quand est-on raciste ? Les différences font-elles peur ? Religion et démocratie (en résonance évidemment avec les événements au sudde la Méditerranée). Prochainement nous parlerons de l’expérience du déracinement et du sentiment d’exil.
Ces cafés interculturels et interspirituels, grâce à leur dynamique interactive, ont pour but non seulement d’offrir à des jeunes une occasion de se connaître, mais encore de les inciter à dépasser les tentations de consommation du spirituel et du radicalisme religieux si répandues dans la société contemporaine, sans pour autant se renier.
Le titre de Café « Sagesses de l’humanité » exprime la conviction que chaque famille religieuse, au-delà de ses croyances, de ses dogmes et de ses rites, est porteuse d’un message de sagesse à dimension universelle adressé à l’humanité entière.
Par exemple, qu’est-ce que les protestants ont comme message à adresser à leurs contemporains qui soit autre chose que le sempiternel appel à la conversion, déguisé ou pas ? Notre perspective est donc humaniste avant d’être théologique. L’écoute profonde et réciproque de la sagesse de chacune des traditions ouvre une piste féconde pour le dialogue interreligieux.
Ces dernières années, le brassage multiculturel genevois s’est considérablement accentué, rendant indispensables des expériences de ce genre. La participation, la qualité et la vivacité de ces échanges ont montré à quel point ce genre d’initiative était aujourd’hui pertinent, voire même urgent, dans la cité genevoise. Le succès immédiat obtenu démontre que les courants religieux ont une contribution réelle à apporter à l’harmonie sociale globale.
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