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Le vote des Suisses sur les minarets pourrait avoir des effets positifs

Le mois dernier, Bernard Reymond réagissait au vote négatif des Suisses sur la construction de nouveaux minarets dans leur pays. Il revient ici sur cette question avec plus de recul.

La confection d’Évangile et Liberté impose de très longs délais rédactionnels. Aussi l’article publié en janvier sur la votation interdisant la construction de minarets en Suisse a-t-il dû être rédigé à chaud, le lendemain même du vote, sans beaucoup de recul. Depuis lors, les échos dans le reste de l’Europe ont été ce que l’on sait, et il ne s’est pas passé de jour, tout au long du mois de décembre, sans que la presse quotidienne de Suisse romande publie articles et lettres de lecteurs sur ce sujet, surtout de la part de gens opposés par principe à l’interdiction en cause, mais aussi de partisans qui n’ont pas manqué de faire état de leurs hantises un peu fantasmatiques.

  Ailleurs en Europe, on s’est demandé si le peuple suisse ne devrait pas annuler sa décision par un nouveau vote. C’est mal connaître le fonctionnement de la démocratie directe à la manière helvétique. Le jour arrivera très probablement, mais seulement d’ici deux ou trois décennies, où le peuple suisse sera appelé à remplacer l’article constitutionnel incriminé par un autre, mieux dans la tradition de ce pays en matière d’accueil et de respect des minorités. Dans l’immédiat, la solution la plus sage est de laisser la situation se tasser, les esprits s’apaiser, et d’attendre ce qui va se passer concrètement : l’article constitutionnel adopté le 29 novembre dernier doit encore être suivi par une loi d’application, ce qui pourrait donner lieu à de belles empoignades parlementaires.

  Cela dit, le résultat de ce vote est loin d’être entièrement négatif. Il a suscité une telle émotion et, chez bien des gens, un tel sentiment d’être redevable de quelque chose envers les musulmans établis en Suisse ou jouissant de cette nationalité, que l’intégration de ces derniers et leur meilleure acceptation dans le contexte suisse pourraient en être accélérées d’autant. Des démarches se font jour un peu partout, en particulier du côté des Églises, pour tenter de jeter des ponts, de susciter des rencontres, de favoriser une meilleure connaissance réciproque.

  Mais encore faudra-t-il que les musulmans jouent le jeu. Ce ne sera certainement pas le cas de ceux qui sont tentés par l’intégrisme. Beaucoup va tenir à ceux qui veulent vivre un islam à la fois humaniste et européen. La tonalité de l’émission musulmane sur France 2 le dimanche matin est à cet égard de bon augure. Mais encore faudra-t-il que l’ouverture et l’humanisme en question ne soient pas de surface seulement, comme en donne par exemple l’impression, ne lui en déplaise, un Tariq Ramadan. Beaucoup plus prometteurs sont à cet égard des penseurs comme le philosophe niçois Abdennour Bidar (voir par exemple son livre Self Islam : histoire d’un islam personnel, Paris, Seuil, 2006) qui s’efforce, lui, de repenser l’islam jusque dans ses fondements, sans rien renier de sa culture européenne.

  • Il existe sur Internet un excellent texte de Shafique Keshavjee à propos des questions qui se posent aux chrétiens aussi bien qu’aux musulmans après la votation sur les minarets : www. skblog.ch/index.php/category/Religions/Minarets Nous en recommandons chaleureusement la lecture.

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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