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La Parole, d’Ernst Barlach

La Première Guerre mondiale a été, pour Ernst Barlach, la cause d’un revirement spectaculaire, qui lui a valu, par la suite, d’être persécuté par le régime nazi. Il était devenu pacifiste.

  La Parole, tel est le nom que le sculpteur allemand Ernst Barlach (1870-1938) a donné à cette oeuvre magnifique. A-t-il pensé précisément à la Bible ? C’est vraisemblable pour nous tant le visage de son personnage apparaît profondément inspiré.

  Du visage de cette sculpture émanent à la fois la grande concentration de celui qui étudie et la tranquillité de celui qui sait qu’il a trouvé non pas le but du voyage, mais tout simplement le chemin, et que cette recherche est à poursuivre inlassablement.

  La posture même de son corps – assis bien droit, les bras en appui – montre simultanément cette sérénité et cette tension indispensables quand on recherche dans la Bible la Parole de Dieu. Un esprit d’ouverture, un esprit disponible, un esprit d’étude.

  Enfin la chaleur du matériau utilisé – le bois – évite de donner au lecteur un aspect par trop hiératique.

, Rien n’est « tape à l’oeil » dans cette oeuvre, l’habit sans aucune fioriture mais avec de simples plis qu’est la robe en témoigne. Simplicité, sérénité, grande douceur en constituent la force.

  Il faut savoir qu’avant la Première Guerre mondiale Ernst Barlarch était farouchement belliciste, comme beaucoup hélas en Allemagne et en France. L’expérience douloureuse vécue dans ce conflit meurtrier dans lequel il a été engagé a constitué pour lui un tournant existentiel fondamental.

  À partir de 1922 il a sculpté des monuments aux morts en pierre ou en bronze dédiés, non à je ne sais quelle gloire militaire, mais très justement aux victimes et à la douleur des familles endeuillées. C’est pour cette raison que les monuments pacifistes d’Ernst Barlach ont été détruits ou démontés par le régime nazi dès 1933, le Parti National-Socialiste déchaînant de surcroît en 1934 une campagne appelant à son assassinat, ses oeuvres étant considérés comme de « l’art dégénéré ». Seuls donc demeurent de lui une partie de ses oeuvres en bois et les monuments aux morts des cathédrales de Güstrow, Kiel et Magdebourg qui ont été rétablis en 1945.

  En contemplant cette sculpture que je trouve pour ma part extrêmement émouvante par sa beauté et parce que réalisée dans le contexte d’une Allemagne épuisée par la guerre et sombrant vers le nazisme, je ne peux m’empêcher de penser à cette superbe et bien protestante devise de Guillaume d’Orange, Stadhouder des Provinces-Unies au XVIe siècle : « Rien ne sert d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »

  Mais bien plus que cela encore, cette statue ne représente-elle pas directement la force de la Parole incarnée ?

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À propos Philippe Vollot

Prédicateur laïque de l’Eglise Protestante Unie, Philippe Vollot 15, bien que retraité du ministère de l’Intérieur depuis 2015, conserve des responsabilités syndicales dans les différents secteurs de cette administration (préfectures, Police nationale) et est en contact notamment avec la Ligue des Droits de l’Homme et le Syndicat de la Magistrature.

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