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La conversion de Saul

Cette conversion de l’apôtre, sur la simple interrogation d’une voix venue du ciel, a quelque chose d’incompréhensible. Louis Pernot nous donne ici son interprétation de l’événement.

  Sur le chemin de Damas, Paul a un dialogue curieux avec la voix venant du Ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? – Qui es-tu, Seigneur ? – Je suis Jésus que tu persécutes. » Et subitement, il se convertit.

  Cela est étrange, ce dialogue semble trop simple, trivial, comme quelqu’un qui demanderait : « Qui est à l’appareil ? » Et on ne voit pas ce qu’il y a là-dedans d’extraordinaire qui aurait pu le convertir.

  Ce mystère peut être élucidé par l’un des trois récits de cette conversion que l’on trouve dans les Actes, au chapitre 26 : il est en effet précisé que ce dialogue a eu lieu « en hébreu ». Cette précision n’est sans doute pas un hasard, et il faut donc entendre ce dialogue dans cette langue.

  Or, en hébreu, la phrase « Je suis Jésus que tu persécutes » se dit littéralement : « Je suis le salut que tu recherches. » « Jésus » signifie, en effet, « le salut », et « persécuter » se dit par un verbe qui veut dire « poursuivre » aussi dans le sens intellectuel de « rechercher ».

  Or Paul, certes, persécutait l’Église, mais il était aussi dans une recherche constante du salut, toutes ses épîtres le montrent. Et il comprend à ce moment-là que cette quête de toute sa vie trouve son accomplissement en Jésus-Christ.

  Pour nous aujourd’hui, se convertir au Christ, c’est de même comprendre qu’en lui nous pouvons avoir ce qui nous permet de trouver du sens, de se sentir aimé, de surmonter l’expérience de la finitude et de l’échec personnel, de dépasser le sentiment de culpabilité qui nous accable, et d’aller au delà de notre peur de la mort. Jésus est celui qui peut accomplir tous nos désirs les plus essentiels.

  Reste que pour en arriver là, il faut un cheminement. Et celui-là est imagé par ce qui précède dans le dialogue.

  Tout d’abord la question posée à Paul : « Pourquoi ? »

  Cette question est sans doute la première question qu’il faut se poser pour avancer : au lieu de vivre sans se demander où cela nous mène, justement, se poser des questions, s’interroger sur sa vie, sur ce que l’on fait, se remettre en cause. À partir de là, une réflexion est possible, une brèche dans notre existence qui peut permettre l’irruption de l’Autre et l’accueil d’un sens. Dieu nous fait avancer non pas en nous gavant de réponses, de devoirs et d’exigences, mais en nous posant des questions et en nous invitant à nous poser les bonnes questions.

  Ensuite Paul lui-même répond par une autre question, ce qui est très bien également. Mais là aussi il y a quelque chose de curieux. Paul dit : « Qui es-tu Seigneur ? » Or Paul n’est pas un débutant, il sait très bien qu’une voix venant du Ciel, s’accompagnant d’une grande lumière et le jetant à terre ne peut être que divine. Donc sa question n’est pas parce qu’il ne sait pas l’origine de la voix, mais il s’interroge sur la nature même de Dieu, sur l’objet de sa foi, qui est « le Seigneur » ?

  Là aussi il y a un travail essentiel : ne pas se contenter du catéchisme que l’on a reçu enfant, mais sans cesse repenser, questionner l’idée que nous avons de Dieu. S’interroger sur ce que l’on croit fondamentalement, sur ce qui est essentiel pour nous, sur ce qui est le fondement de notre existence, et le but de toute notre vie.

  Et donc nous avons en trois lignes le résumé de toute une démarche de conversion, qui, bien sûr, s’étale normalement sur un temps plus important. Paul se convertit en bouclant tout cela et en comprenant que c’est Jésus qui répond à toutes ces questions.

  Et il n’en restera pas là : il y a encore une phrase au dialogue qu’il ne faut pas oublier ; juste après, Paul dira : « Seigneur, que ferai-je ? » C’est le passage à l’action. La réflexion théologique, la conversion, ne sont rien si elles ne mènent pas à l’action et à l’engagement. Dieu est parole, on peut s’approcher de Dieu par la réflexion, le questionnement, mais il ne faut pas oublier qu’en hébreu, « parole » et « événement » sont un même mot, que ce dialogue n’est pas seulement un questionnement intellectuel, mais un mouvement de tout l’être, et que la réponse n’est pas seulement dogmatique, mais existentielle.

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À propos Louis Pernot

est pasteur de l’Église Protestante Unie de France à Paris (Étoile), et chargé de cours à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.

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