Accueil / Journal / Jean-Jacques Caton Chenevière

Jean-Jacques Caton Chenevière

Fondateur du Protestant de Genève, le pasteur genevois Jean-Jacques Chenevière (1783-1871) fut un grand défenseur du libéralisme, estimant qu’il fallait retrancher de la religion « tout ce qui répugne à la raison » : la trinité, le péché originel, la rédemption, la prédestination, etc.

Personnage haut en couleurs que Jean-Jacques Caton Chenevière (1783-1871), principal fondateur et animateur du Protestant de Genève dont la première parution date de juin 1831, tandis que Le Protestant de Paris allait commencer à paraître en août de la même année. Si ce second périodique fut relativement éphémère, le premier était appelé à durer : Le Protestant édité à Genève n’a cessé de paraître que tout récemment, quand sa rédaction a été intégrée dans celle d’Évangile et liberté en janvier de l’année dernière.  

  « Caton » : c’est son père, pasteur de convictions républicaines, qui avait tenu à ajouter ce prénom à celui de Jean-Jacques. D’abord brièvement pasteur à Marseille, puis à Paris où on aurait voulu le retenir, ce dernier, une fois de retour dans Genève, sa ville natale, ne tarda pas à occuper des fonctions pastorales, puis professorales, importantes. Il fut entre autres chargé de plaider auprès de Louis de Fontanes, Grand Maître de l’Université (Genève était alors sous domination française), pour le maintien du pastorat genevois dans ses privilèges académiques.  

  Élu professeur de dogmatique et de morale à l’Académie de Genève, il prononça dans la chaire du temple Saint-Pierre, en 1817, un discours inaugural dont le titre était déjà tout un programme : Les causes qui retardent chez les réformés les progrès de la théologie. La principale d’entre elles était à ses yeux la timidité des réformés à procéder aux révisions doctrinales dont leur enseignement avait besoin. Cette révision radicale, Chenevière l’a entreprise en publiant entre 1831 et 1834 six Essais théologiques qui méritent encore d’être lus. Il s’en prenait dans le premier au « système théologique de la trinité ». Dans le deuxième, il remettait en question la doctrine du péché originel. Dans le troisième, il justifiait, tout en le pondérant, l’usage de la raison en matière de foi. Il s’attaquait dans le quatrième à la notion de rédemption et remettait par conséquent en cause la divinité du Christ. Sous le titre De la prédestination et de ,quelques dogmes calvinistes combattus par la raison le sentiment et l’Écriture, il s’en prenait dans le cinquième à ce qui reste l’un des aspects les plus contestables de la pensée de Calvin. Dans le sixième, il déniait toute légitimité aux confessions de foi et leur reprochait de contrevenir à attitude réellement protestante.  

  Dès l’éditorial de son premier numéro, probablement de la plume même de Chenevière, Le Protestant de Genève s’est situé d’emblée dans la même perspective théologique, dans une opposition résolue au courant doctrinal et revivaliste qui gagnait alors du terrain parmi les protestants genevois : « La liberté religieuse ! son oeuvre est celle de la Réforme ; seule elle en a fait la force ; mais par une contradiction, féconde aujourd’hui en fruits amers, nos illustres Réformateurs ne surent point en voir toute l’étendue ; contraints par les circonstances et par le siècle, on les vit relever en leur faveur ce même principe d’autorité qu’ils avaient terrassé entre les mains du pape. Aujourd’hui, la Réforme doit faire un pas de plus ; elle ne peut plus rétrograder à sa source ; il faut qu’elle marche, qu’elle avoue sans réserve les principes sur lesquels elle repose. »  

  C’est encore très vraisemblablement Chenevière qui écrivait ces lignes sans appel dans la troisième livraison du Protestant : « Plus on examine l’Histoire, plus on se convainc que les Réformateurs n’avaient pu comprendre toute la portée de la révolution dont ils étaient les chefs, ni saisir en entier le principe de la liberté d’examen. Frappés de criants abus, désireux de les faire cesser, ils ne portèrent pas leurs regards au-delà ; ils combattirent fortement pour une réforme, se livrèrent à une multitude d’actes qui supposaient la liberté religieuse, mais ils laissèrent à leurs successeurs la gloire de découvrir que dans cette liberté seule se trouvait le principe qui pouvait légitimer de tels actes. »          

  Considéré sous cet angle, Chenevière portait bien son second prénom : un « Caton » du protestantisme !

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Évangile et Liberté

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading