Français et Allemands (Charles Bost), mars 1936
Le droit, la paix : choses splendides. Le racisme, l’amour propre national couvert du titre d’ « honneur » : choses moins célestes, où un certain bien se mêle de beaucoup de mal, où un vieux fond d’orgueil et d’égoïsme devenu « le droit à la vie », s’affiche avec une audace qui inquiète. […] Il est des façons de s’affirmer dans son être qui s’accompagnent de tant de fracas qu’elles ne peuvent pas ne pas effrayer les voisins. Les harangues qui sont prononcées en Allemagne en ce moment entrent indubitablement dans ce cas, et on ne peut être étonné nulle part que la France ait tressailli au geste du Chancelier Hitler et qu’elle conserve de l’appréhension pour les conséquences qu’il risque d’entraîner. […] De menus faits témoignent de la puissance avec laquelle le racisme s’est emparé de la mentalité allemande. […] Encourageons, en attendant mieux, les rapports cordiaux qui pourront s’établir entre individus des deux peuples. […]
Féminisme (Ch. Bost), juin 1936
Laissant de côté ce qui peut nous diviser sur le terrain des conceptions économiques et politiques, il est cependant un point sur lequel nous serons d’accord nous semble-t-il. Les protestants français, dans leur ensemble, se réjouiront de voir entrer dans le nouveau Conseil trois « ministresses ». Cette satisfaction légitime donnée aux revendications féminines permet de supposer que notre législation française, si considérablement en retard en certains articles de son code par rapport à d’autres nations, finira par donner à la femme des droits qu’elle lui refuse – sans autres raisons que de vieux préjugés. […]
Des hommes nouveaux (Ch. Bost), 22 juillet 1936
On ne comprendrait pas que notre journal restât muet en face des événements d’ordre social qui ont remué si profondément notre pays depuis l’entrée en charge du nouveau ministère. […] La disproportion qui s’est révélée entre les bénéfices de certaines industries et le salaire qu’elles donnaient à leurs manoeuvresest apparue comme un scandale. Comment oublier, à ce propos, que depuis un siècle c’est presque uniquement la grève qui a valu au monde des « prolétaires » d’obtenir une amélioration de son sort ? […] Le monde nouveau allait-il trouver des hommes neufs pour l’enfanter ? Hélas ! il ne le semble pas… […] Aucune révolution n’établira la paix et le vrai bien-être si elle ne s’accompagne d’une éducation. La tâche du protestantisme est justement dans ce labeur d’éducation morale et religieuse.
Crimes impunis (Théodore Ruyssen), mars 1962
Si l’incapacité de la police à protéger nos vies et nos biens nous alarme, que dire quand la justice ellemême abdique ? Je pense, le lecteur l’a compris, à ce jugement scandaleux récemment rendu par un conseil de guerre. Les faits étaient avérés, avoués ; une malheureuse femme musulmane avait été torturée en vue de lui arracher l’aveu de sa complicité dans je ne sais plus quelle bagarre algérienne. Le tribunal a cependant prononcé un verdict d’acquittement qui déshonore à la fois les juges et les accusés. Il apparaît que, selon la loi, un jugement de cette catégorie ne comporte pas d’appel ; le gouvernement a seulement gardé la face en signalant cette forfaiture à la Cour de Cassation qui, nous dit-on, n’en peut mais ! […]
Dialogue (Pierre André), juin 1968
L’un des aspects les plus positifs des événements qui viennent de se dérouler, c’est le fait que des dialogues se soient engagés entre des hommes. Il est difficile de dire ce qui sortira de tous ces débats, de ces échanges de vues et d’idées. Il faudra du temps pour que ce flot de paroles, qui n’est pas prêt de s’arrêter, se décante et qu’il en sorte quelque chose de solide et de constructif. Mais déjà le fait que ces débats se soient amorcés est une victoire, une victoire contre le cloisonnement qui de plus en plus enfermait les hommes par catégories, les isolait les uns des autres. […] Ne faudrait-il pas aussi que cette pratique du dialogue s’instaure et se développe dans l’Église ? […]
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