Eugène Ménégoz, théologien luthérien, est né en Alsace. Après des études à Strasbourg et en Allemagne, il devient pasteur de la paroisse des Billettes, à Paris, puis directeur du séminaire de la Faculté de théologie de Paris. Il y enseigne la dogmatique luthérienne. Aux côtés d’Auguste Sabatier il sera un éminent représentant de l’École symbolo-fidéiste, appelée aussi l’École de Paris.
Dans une Église marquée par l’orthodoxie protestante, Ménégoz a éprouvé le besoin de s’en affranchir, et d’en libérer ses coreligionnaires, mais en luthérien attaché à l’héritage de Luther, le géant de Wittenberg, il mettra au centre de sa recherche la primauté de la foi, comme accès au salut et à la vie chrétienne. Sa démarche est d’ordre spirituel et son passage au fidéisme a toutes les allures d’une conversion.
Dans la mesure où tout homme cherche une direction pour son existence et a envie de croire, il est fondamental, pour Ménégoz, de distinguer entre la foi et les croyances. Contrairement à ce qu’on lui a prêté et reproché, il n’a pas utilisé la formule « La foi est indépendante des croyances… » mais « …celui qui consacre son âme à Dieu est sauvé, indépendamment des croyances ». Celles-ci doivent être étudiées et critiquées, mais le salut ne sera lié par aucune d’elles.
Ménégoz juge la critique historique des textes bibliques indispensable mais déplore qu’elle fasse peur. Or elle « fait partie du devoir professionnel du théologien, dans les Églises qui ont mis la Bible à la base de leur enseignement. Tout pasteur doit avoir à coeur d’éprouver la solidité des fondations sur lesquelles repose l’édifice de ses croyances ».
Elle doit être lue dans un esprit de foi et de prière, mais cela n’implique pas « de recevoir comme paroles de Dieu toutes les idées que nos auteurs sacrés, abstraction faite de leur foi religieuse, pouvaient partager avec les hommes de leur temps et de leur milieu… » Il existe « une attraction réciproque entre le témoignage de l’Esprit de Dieu dans la Bible et le témoignage de l’Esprit de Dieu dans notre conscience personnelle… »
Ni concordance entre des faits décrits par la Bible et des découvertes actuelles, ni croyance que les choses se sont passées telles que décrites par la Bible, le miracle suscite « la foi en l’activité miséricordieuse de Dieu dans notre vie quotidienne… » Pour Ménégoz « le miracle, c’est l’exaucement de la prière… sans nulle violation des lois de la nature ».
Au fil de sa critique des dogmes traditionnels (la trinité, la naissance virginale, l’expiation substitutive, la résurrection…), Ménégoz revient à celui que les évangiles nous font rencontrer : « Sa personne, sa parole, sa vie, portent dans leur admirable et grandiose harmonie et jusque dans les moindres traits, l’empreinte de la sainteté parfaite, le sceau du divin. Jamais homme ne se trouva […] dans des conditions aussi favorables pour percevoir clairement et purement le témoignage du Saint-Esprit.»
En 1914, paraît un petit livre Notre seul Maître, réponse de Ménégoz à une « Lettre ouverte » que Paul Lobstein, professeur à la Faculté de Paris lui a adressée dans Évangile et liberté en 1913. Ménégoz ayant défendu la thèse du tri nécessaire entre les paroles de Jésus et celles des apôtres, Lobstein lui fait remarquer qu’il est des paroles non authentiques qui reflètent aussi bien sinon mieux le message du Maître, et que Paul et les autres « sont pénétrés de la certitude qu’ils parlent au nom du Seigneur et que son esprit les conduit en toute vérité ». Au terme d’un dialogue fraternel l’accord est trouvé « qui n’empêche pas certaines “nuances” entre nos vues ». Ménégoz conclut cette controverse ainsi : « Il n’y a, en effet, pas deux théologiens dont les pensées se recouvrent absolument, pas plus qu’il n’y a sur le même arbre deux feuilles absolument identiques ».
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