Pendant 28 ans, j’ai été professeur de Dogmatique. On m’a parfois dit qu’il était bien étrange qu’un protestant libéral, réputé hostile aux dogmes, soit chargé de cet enseignement. J’ai toujours répondu qu’il fallait distinguer la dogmatique (le bon usage des dogmes) du dogmatisme (leur mauvais usage).
En grec ancien, dogme désigne les opinions ou les idées que l’on a, ainsi celles qu’enseignent les différentes écoles philosophiques. Les chrétiens formulent aussi des dogmata. C’est légitime et nécessaire, car il leur faut penser la foi (« tu aimeras ton Dieu… de toute ta pensée », dit le grand commandement), l’expliquer et la formuler. Une spiritualité sotte, insensée ou muette ne rend pas honneur ni témoignage à l’Évangile.
En devenant dominante, l’Église a donné à certains de ses enseignements une valeur absolue et définitive. Le dogme est censé exprimer « le contenu même de la révélation » ; il s’impose aux croyants qui doivent s’y soumettre. Comme l’écrit Auguste Sabatier (1839-1901) : « Le dogme est [devenu] une doctrine dont l’Église a fait une loi ». On tombe alors dans le dogmatisme qui est une idolâtrie de la doctrine (en ce sens qu’on divinise ce que les hommes disent de Dieu).
La dogmatique, au contraire, a pour tâche l’examen critique des dogmes. Elle s’interroge sur leur signification, en évalue les forces et les faiblesses ; elle cherche d’autres formulations possibles, meilleures ou mieux adaptées. Elle détruit le dogmatisme en montrant que ses prétentions sont fausses ; à l’inverse, le dogmatisme rend impossible le travail de la dogmatique, puisque le dogme n’y est plus une expression réfléchie de la foi, mais son objet ou son c ontenu.
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