Accueil / Journal / Dieu découragé par l’idolâtrie

Dieu découragé par l’idolâtrie

Cet épisode du veau d’or décourage Dieu. Heureusement, Moïse lui remonte le moral. Mais l’idolâtrie n’est-elle qu’un accident de l’histoire ancienne ou un réflexe de toute religion qui veut absolument « se figurer» Dieu ? Dieu n’est-il pas hors de toute intelligibilité, de toute compréhension ? Mais alors, comment l’adorer ?

   Moïse monte tout en haut de la montagne du Sinaï pour recevoir les commandements de Dieu. Et pendant ce temps, en bas, le peuple s’impatiente. Il ne voit plus Moïse, encore moins le Seigneur Dieu. Qu’est-ce qu’un Dieu qui ne se montre pas ? Qui ne fait que donner des ordres ? Alors le peuple se fabrique son dieu, à partir des boucles d’oreille des femmes : le veau d’or. Au moins, pense le peuple, celui-là ne nous dira rien, et ne nous reprochera rien. Nous préférons un dieu qui se voit à un Dieu qui parle.

  Corruption, corruption, dit le Seigneur Dieu du haut de sa hauteur. Et il envoie Moïse en bas de la montagne pour tenter de redresser la situation. Mais Dieu est tellement mécontent qu’il veut supprimer tout ce peuple idolâtre. Heureusement, Moïse lui fait valoir qu’il a tort, qu’il ne peut pas avoir sorti à grand-peine tout un peuple du pays d’Égypte, pour ensuite le supprimer de la surface de la terre. « Et le Seigneur renonça au mal qu’il avait dit vouloir faire à son peuple » (Ex 32,14).

  L’idée d’un Dieu parfait et infiniment bon n’est donc pas si évidente. Dieu aurait-il aussi ses faiblesses ? Ses moments de découragement ? À moins que Moïse ait mal compris, prenant pour un dialogue avec Dieu ce qui n’était qu’un dialogue avec sa conscience.

  Revenons à l’idolâtrie, à cette représentation de Dieu, facile et clinquante, qui a toujours menacé les religions. Loin de tout ce que nous pouvons imaginer, Dieu est le « Tout Autre », inatteignable, inconnaissable et d’une certaine manière incompréhensible. Jean Chrysostome (IV-Ve siècle) disait : « Plus nous nous rapprochons de Dieu, plus nous comprenons qu’il est incompréhensible. »

  Comment alors le connaître ? Comment entrer en relation avec lui, s’assurer de son soutien ? Le Livre de l’Exode répond : Dieu se donne à connaître par sa Loi, son enseignement, ses exigences éthiques, sa soif de justice et d’amour. La nature de Dieu est morale, disent les docteurs juifs, et lorsque nous disons que Dieu est amour, nous ne disons pas autre chose.

  Un docteur juif contemporain méditait sur le veau d’or et concluait : « Rien dans le monde n’est sain, si ce n’est l’observance des enseignements de Dieu. Toutes les saintetés ne découlent que des commandements divins. » Ce qu’Albert Schweitzer confirmait à sa façon dans cette belle phrase : « Dieu, c’est le besoin de sauver l’homme. »

  Mais cette idée abstraite de Dieu, relégué à un besoin d’amour, nous a toujours paru insuffisante, à nous pauvres humains. Comme le peuple attendant Moïse au pied du Sinaï, il nous faut du palpable, du concret, du visible. Il faut que Dieu brille comme l’or, qu’il séduise comme une belle statue. Mais qu’il reste immobile, dans une suite de définitions intangibles, voire de dogmes. Parce qu’il faut pouvoir le maîtriser, l’enfermer dans un temple, le posséder. Il faut qu’il reste à notre disposition, conforme à ce que nous imaginons, et qu’il veuille bien faire ce que nous lui demandons.

  Corruption, corruption dit Dieu. Arrêtez avec votre adoration d’un dieu mort, avec vos fausses représentations, avec vos constructions luxueuses et inutiles qui voudraient faire croire que je m’intéresse à autre chose qu’à votre ardeur pour mieux vivre en paix avec vos semblables et pour secourir les plus démunis. La seule façon de me rencontrer est de vivre de ma sagesse, car je suis le Dieu de la vie. Tout le reste est idolâtrie. C’est en ce sens que pensait saint Augustin lorsqu’il écrivait : « Tu ne vois pas encore Dieu, mais c’est en aimant le prochain que tu mérites de le voir. C’est en aimant le prochain que tu purifies ton oeil pour voir Dieu.

  Considère donc en toi la source de cet amour du prochain. Là, autant qu’il est possible, tu verras Dieu. » Augustin était bien dans la ligne de la première épître de Jean (3,24) : « Celui qui demeure dans les commandements de Dieu demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. »

  Nous ne verrons rien de Dieu que sa Loi d’amour. 

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Évangile et Liberté

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading